Verdun

 

 

Pourquoi les Allemands ont-ils choisi d'attaquer à Verdun ?

Au début de l'année 1916, l'Allemagne a besoin d'une victoire militaire marquante.
Falkenhayn songe à frapper un grand coup, pour 3 raisons ;
- ses ressources en hommes et en matériels ne sont pas inépuisables, contrairement aux alliés ;

- les Allemands commencent à douter de l'issue du conflit et subissent les effets de la guerre lisibles à travers la presse, il y a donc nécessité à remonter le moral national ;

- l'Allemagne a besoin d'un élément de négociation pour imposer sa paix.

Or toutes les hypothèses d'attaque sur le front oriental semblent présenter peu d'intérêt ou trop d'inconvénients ; de plus, l'Angleterre est très dangereuse par sa puissance navale et parce qu'elle instaurera tôt ou tard le service national et pourra jeter dans la bataille des forces neuves, d'où la volonté de décourager cette dernière en saignant à blanc son meilleur allier, la France. Von Falkenhayn

Von Falkenhayn

Pour cela, Falkenhayn prévoit une offensive écrasante sur un secteur limité, afin de ne pas trop dégarnir les autres points. L'objectif territorial importe peu, il ne s'agit pas d'occuper, mais de tuer.
Sa tactique est d'attaquer en tenaille un saillant du front français et d'employer intensément l'artillerie avec une technique de hachoir. L'artillerie lamine en profondeur les lignes ennemies et permet à l'infanterie d'occuper le terrain, ainsi détruit, quasiment sans combattre. En outre, cette tactique favorise la suppression des traditionnels combats d'infanterie.

Falkenhayn opte pour la ville de Verdun :

- les forces françaises, acculées à la Meuse qui coupe en 2 le saillant, seront contraintes de se battre le dos au fleuve ;

- très mal reliées à leurs arrières, elles seront comme prises dans une nasse ;

- l'Allemands disposent de 14 voies ferrées dans ce secteur, facilitant l'acheminement rapide des soldats et du matériels ;

- la présence de forêts profondes et de bois permet un acheminement dans une relative discrétion ;

- d'excellents observatoires naturels déjà aux mains des Allemands : Crête de Romagne, Jumelles d'Ornes, offrent des positions idéales pour contrôler le secteur et bombarder la ville ;

- l'Allemagne peut s'appuyer sur l'arrière-pays industriel de Moselle, du Luxembourg ainsi que sur les bassins miniers du haut-pays Lorrain.

Falkenhayn n'ignore pas non plus, grâce à ses réseaux de renseignement, que la place forte de Verdun est très affaiblie par le désarmement des forts et le retrait de garnisons décidés en août 1915 par l'Etat-major français...

Enfin Verdun a une signification affective particulière pour les Allemands. C'est là qu'en 843 a été partagé l'empire de Charlemagne, référence commune de l'histoire française et allemande. Depuis les 2 pays se sont bien souvent disputé la place (en 1792 et en 1870). Verdun est l'avant-poste de la France face à la forteresse allemande de Metz.
Aussi, estime Falkenhayn, les Français défendront ce lieu symbolique jusqu'au dernier homme et l'état-major français y engagera ses réserves. Une fois prise dans la nasse, leur armée y sera saignée à blanc, exterminée à un point où elle ne pourra pas se relever.

En cas de succès retentissant, le prestige de la famille impériale s'en trouvera renforcé.

 

En février, 72 bataillons Allemand sont acheminées au nord de Verdun par trains de nuit. Dès leur arrivée, les soldats sont enfouis dans des "Stollen", abris souterrains creusés par le Génie qui dissimulent chacun un millier d'hommes.

Pour isoler les premières lignes françaises et écraser leurs tranchées, l'artillerie Allemandes a réuni tous les calibres. Au total, 870 canons dont 540 lourds sont en place et plêt à ouvrir le feu, 2.500.000 obus sont en réserve. C'est la plus forte concentration d'artillerie jamais réalisée à ce jour qui s'aligne sur 12 km de front.

Face à eux, la France dispose dans le secteur de verdun de 34 bataillons et 270 canons mal appropriés (à tir tendu et étant du matériel assez vieux), défendant un secteur mal fortifié, sans boyaux de raccordement, sans abris solides ni liaisons.

Le commandement allemand est persuadé de réaliser une percé fulgurante et écrasante. C'est sans compter sur l'âme, la valeur, la courage et la ténacité du soldat français…

 

21 février 1916

Le 21 février à l'aube, tout est calme sur le front de Verdun. Soudain, à 7 h 15, un obus déchire le calme du petit jour, puis un second, puis 10, puis 1000...
En quelques secondes, les positions Française, soit un grand arc de cercle de 12 km au nord de Verdun, deviennent un véritable enfer. Un obus lourd tombe toutes les 3 secondes.

Les ponts de la Meuse sont bombardés, la garnison de Verdun impuissante, voit disparaître les Hauts de Meuse dans la fumée et les éboulis. L'état-major ignore ce qui se passe exactement 10 km plus avant. Dans l'urgence, on évacue les derniers civils présents à Verdun.

Subitement, à 16 h, le tir s'allonge, 2 millions d'obus sont tombés depuis 7 h 15, soit 3800 par minute.

A 16 h 10, 8 divisions Allemands (80.000 hommes armés de lance-flamme) passent à l'assaut sur un front de 6 km. Les canons français de 75 mm, détruits par le bombardement, sont totalement impuissants.

En certains endroits, les premières positions Françaises n'existent plus. Mais en d'autres endroits, les attaquants voient des hommes se dresser devant eux. Ce sont de véritables loques humaines, titubantes, sourdes, noires de poussière et de boue, les yeux hagards et injectés de sang, à demi-fou. Et ces hommes, dans un réflexe de désespoir, trouvent la force de réarmer un fusil, de mettre une mitrailleuse en batterie, de tirer et de lancer des grenades.

 

Sur les 12 km de front, ce même scénario se reproduit. A la lisière nord du bois de Caures (tenue par les hommes du lieutenant-colonel Driant), au bois d'Haumont, au bois de Ville, à l'Herbebois, des poches de résistance s'organisent avec les moyens du bord. Cependant, la fatigue, le manque de munition et l'infériorité numérique sont indéniables et les positions tombent peu à peu.

La nuit tombe sous la neige et les combats désespérés se poursuivent. Le bombardement qui déchaîne à présent les secondes lignes empêche tout renfort de porter secours.

Les pertes Françaises ont été cruelles, les hommes du 30e corps se sont battus non à 1 contre 3, mais à 1 contre 10 et parfois à 1 contre 20.


Colonel Driant

22 - 23 - 24 février 1916

Les 22 et 23 février, la progression allemande se poursuit lentement mais inexorablement. Les troupes françaises, exténuées, tiennent toujours les villages de Beaumont, Louvemont et Bezonvaux où au loin se devine la masse du fort de Douaumont.

Durant ces journées, les Allemands ont souvent cru se trouver face à des troupes fraîches, tellement la riposte était énergique. Cependant, très peu de renforts français ont pu traverser le bombardement allemand beaucoup trop violent.
Ce sont bien les Poilus en ligne depuis le 21 au matin qui ont menée une lutte surhumaine et désespérée. Beaucoup feront l'objet d'un grand respect de la part des fantassins et officiers allemands, lorsqu'ils partiront prisonnier en arrières des lignes.

Le 24 février, toutes les contre-attaques françaises sont arrêtées par l'artillerie allemande, la situation devient extrêmement critique. De nombreux blessés, sans soins depuis 3 jours pour certains, agonisent dans le froid.

 

 

Le général Joffre, informé continuellement de la gravité de la situation, approuve à ce moment l'abandon des positions de la Woëvre mais ordonne de tenir coûte que coûte sur la rive droite face au nord entre Meuse et Woëvre et d'engager immédiatement le 20ème corps. Il faut, quoi qu'il en coûte, sauver Verdun dont la chute représenterait une grave atteinte morale, mais aussi une perte de prestige face aux Alliés.
En prenant cette décision, Joffre imagine-t-il l'ampleur du sacrifice qu'il demande aux soldats, qui vont très vite eux-mêmes parler de " l'enfer de Verdun "

 


Le Général Joffre

Il est important d'imaginer les conditions de combat en ses premiers jours de la bataille : Les hommes vivent au milieu des cadavres, abandonnés, encerclés, ne sachant plus ou est l'avant et l'arrière. Le ravitaillement est inexistant et ils n'ont rien de chaud dans le ventre depuis plusieurs jours. L'eau fait cruellement défaut. Recroquevillés dans leur trou d'obus, ils sont à demi fous par l'insomnie, l'épuisement moral et physique. Ils sont trempés, boueux, plein de poux.
Lorsque que l'assaut All. est donné, ils tirent désespérément dans un sursaut de rage, les doigts gelés crispés sur leur fusil. Sachant que pertinemment, dans 1 minute, 10 ou 1 heure, ils seront mort ou blessé.

 

25 février - Perte du fort de Douaumont

Le fort de Douaumont est un objectif essentiel pour le commandement allemand, et il compte mettre tout en œuvre pour le conquérir.
Il a été construit en 1885 par le général Séré de Rivières. A 2 km à l'est du village de Douaumont, il se trouve à 388 m d'altitude, le point le plus haut des côtes de Meuse.
Il est le plus imposant, le plus moderne et le mieux armé des forts de Verdun.
Il représente un refuge sûr au milieu du champs de bataille ; un abri idéal pour stocker des munitions, reposer les troupes, soigner les blessés les plus urgents et mettre les autres à l'abris avant leur évacuation. Un point d'appui important et stratégique pour la poursuite du mouvement en direction de Verdun.

A 17 h, la 8e compagnie du 21e régiment d'infanterie Allemand, commandée par le lieutenant Brandis, se trouve à 700 m du fort de Douaumont. De leurs positions, les soldats aperçoivent à l'horizon, la silhouette imposante du fort. Aucune activité ne semble l'animer, il semble complètement inerte au milieu de la bataille. Par contre, tout autour dans la plaine, de nombreux soldats français se replis, complètement dépassés par l'avancé allemande de la journée.
La 8e compagnie s'élance alors, atteint le réseau de barbelés, ouvre une brèche à la cisaille et descend dans le fossé. Voyant qu'aucun coup de feu ne part des tourelles, les soldats gravissent la superstructure, pénètrent par plusieurs entrées et courent bientôt dans les couloirs sombres. Enfin, ils débouchent dans la cour centrale, tombant nez à nez avec une 50e de Territoriaux, sans armes et complètement ébahis. Les territoriaux sont aussitôt fait prisonnier.
Dès lors, le fort de Douaumont est aux mains des Allemands. Dans la soirée, 300 hommes viennent s'y installer et le renforcer.

Pour comprendre comment un tel événement a pu se produire, il est important d'apporter quelques précisions :
1. Le front de Verdun se trouvait à plusieurs kilomètres au nord du fort de Douaumont, et il n'avait pas bougé depuis plus de 18 mois. De plus, la garnison du fort avait été supprimée et ses approvisionnements réduits. Ceci explique qu'il n'y ait eu qu'un si petit nombre d'homme dans le fort le 25 février à 17 h.
Nous pouvons trouver étonnant que les troupes Française arrivées très récemment dans le voisinage du fort, dans la nuit du 24 au 25 par exemple, et étant soumis à un très violent bombardement, n'ont pas d'elles-mêmes prisent la décision d'aller s'y réfugier. Cependant, chaque troupe qui se battait en campagne à proximité du fort était soumise comme les autres, depuis l'aurore, à de durs combats inégaux. Les officiers étaient trop occupés à défendre le secteur qui leurs avait été affecté, et ne songeaient pas à aller renforcer le fort.
De plus, ces officiers avaient appris dans les écoles militaires que les troupes de campagne et les ouvrages permanents devaient rester indépendants. Ils n'étaient pas psychologiquement formés pour aller s'enfermer dans un ouvrage.

2. La progression Allemande ayant été si importante et si subite depuis le 21, les occupants du fort n'étaient pas du tout au courant de la proximité de l'ennemi. Dans la tumulte de ces 4 derniers jours, personne au commandement français n'a pensé, pris le temps ou même jugé bon de les en avertir. Aucun préparatif défensif n'a donc été fait en prévision de l'arrivée des Allemands. Par ailleurs, on peut trouver étonnant que violemment bombardé depuis 4 jours et disposant d'un si bel observatoire, les occupants du fort ne se soit pas rendu compte ni ai pris la peine de s'informer sur l'avancé Allemande. De violents combats se déroulaient devant et autours d'eux, il était tout de même clair qu'il se passait quelque chose dehors…

Du 21 au 25, les chiffres officiels parlent pour les 3 divisions françaises en première ligne au moment de l'attaque, d'au moins 60% de perte. 681 morts, 3.186 blessés, mais 16.407 disparus. Prisonniers peut-être en partie, mais surtout volatilisés sur le terrain.


La Voie Sacrée

Le 25 février, le général de Castelnau, qui a reçu les pleins pouvoirs du général Joffre, confie au général Pétain le commandement de la région fortifiée de Verdun et des forces arrivant sur les deux rives.

A peine arrivée à son nouveau quartier général de Souilly, à 20 km de Verdun, le général Pétain s'applique à créer les moyens organiques nécessaires à la contre-attaque.

Il ordonne le réarmement des forts. Chacun reçoit un commandement et une garnison propre, et des réserves matérielles importantes avec interdiction absolue d'abandonner l'ouvrage en cas d'attaque ennemie (ces mesures sont rendues plus que nécessaires par la perte du fort de Douaumont qui vient d'avoir lieu).

 


Le Général Pétain

Il organise l'artillerie qui doit, en concentrant ses tirs sur les positions ennemies, soulager l'infanterie, et assurer ainsi un rôle défensif en écrasant les attaques de l'adversaire. Pendant toute la bataille de Verdun, Pétain ne cessera de répéter: " Il faut que l'artillerie donne à l'infanterie l'impression qu'elle la soutient et qu'elle n'est pas dominée ".

Il reprend aux corps d'armées les pièces lourdes restantes et les réunit en une formation autonome. Pour la première fois depuis le début de la bataille, les combattants se sentent soutenus par les canons.

Il s'occupe enfin de la logistique et des moyens de ravitaillement.
Dés le début de la bataille, il apparaît clairement que la route départementale relient Bar-le-Duc à Verdun, hors d'atteinte de l'ennemi, est la plus sûr et la plus adapté pour acheminer un grand nombre de troupes, de munitions et de matériel vers le front. Pire encore, si son trafic est interrompu pour une raison ou pour une autre, la bataille est perdu.

Aussitôt, sur cette route de 7 m de large et de 75 km de long, une file ininterrompue de camions de toutes sortes s'engage et alimente la bataille en troupes fraîches. Dans l'autre sens, une autre file ramène les combattants vers l'arrière.
A cela, vient s'ajouter les camions de munitions, de vivres, de matériels divers, les voitures sanitaires, toutes sortes de véhicules des services des armées, camionnettes de courriers, génies, artillerie, aviation, camouflage, auto-camion, auto-projecteurs, télégraphie, radiotélégraphie…

Rapidement, il apparaît que la chaussée non goudronnée ne peut résister aux passages ininterrompues de milliers de roues, les véhicules commencent à s'enliser. Pétain, lucide, ordonne d'ouvrir le plus prêt possible de la route des carrières de pierres tendres du pays. En mois de 48 heures, plus de mille travailleurs répartis tout au long des 75 km lancent nuit et jour des pelleté de pierres dans les trous boueux. Les camions avec leurs roues à bandage plein remplissent eux même le rôle de rouleau-compresseur.
Ainsi, cette route fût la première de l'histoire à être simultanément détruite et reconstruite. Les trous se formaient, un ouvrier y jetait une pelleté de pierres que le camion suivant tassait de ses roues. Quelques camions plus loin, le trou se reformait.

Pétain instaure pour finir un règlement très strict, tout véhicule tombé en panne ou ayant crevé est immédiatement poussé de côté. En parallèle, une section de dépannage est mise sur pied qui improvise au bord de la route des ateliers de fabrication de pièces de rechange.
Ainsi, tout au long de la bataille, 16 bataillons (8200 hommes) seront affectés à l'entretient de la route et à l'extraction des carrières. Ils jetteront entre 700 000 et 900 000 tonnes de pierres sur la route.
Durant 10 mois, 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériels seront transportés.
Chaque semaine, 3500 camions effectueront l'allée retour Bar-le-Duc - Verdun (soit en moyenne, un camion toutes les 14 secondes), consommant 2 tonnes de graisse, 20.000 litres d'huile et 200.000 litres de carburant, effectuant 1 millions de km sur la voie (soit 25 fois la circonférence de la terre).
Certains jours, il sera constaté une fréquence d'un camion toutes les 5 secondes.
Si l'on tente de chiffrer le tonnage total qui a été transporté, englobant le matériel, les munitions, les combattants et les blessés, se chiffre parait atteindre les 2 millions de tonnes.

De son côté, le petit chemin de fer, le "Meusien," ravitaille aussi la 2e armée. La gare régulatrice de Saint-Dizier expédie quotidiennement sur Verdun 21 trains de vivres, 7 de munitions, 9 de matériels, 2 de troupes, évacuant aussi 5 à 7 trains de blessés. Au total, du 21 février au 1er juin, l'ensemble du trafic s'éleva à 119.000 wagons.

La tactique de Pétain est un succès. Dès le 26 février, les Allemands sont contre-attaqués à la baïonnette et leur progression est stoppée à 6 km seulement de leurs positions de départ.

 

6 mars - Attaque allemande sur les 2 rives de la Meuse

Falkenhayn se décide alors à attaquer simultanément sur les deux rives de la Meuse. Il jette dans la bataille 9 nouvelles divisions, dont 4 venues du front occidental.
Le 6 mars, après avoir pilonné la crête du Mort-Homme, les ouvrages de Béthincourt, de Forges, de Regnéville et de la Côte de l'Oie, ses troupes avancent sur la rive gauche et arrivent aux pieds des hauteurs où elles sont stoppées par le feu français.
Jusqu'au 15 mars, les assauts se succèdent sur le Mort-Homme transformé en un sinistre désert.

Le 15 mars au soir, le commandement Allemand doit se rendre à l'évidence, sa tentative de percée éclair sur la rive gauche se solde elle aussi par un échec.
En 10 jours, bien qu'elles aient fait subir à l'armée Française de terribles pertes, les troupes Allemandes n'ont progressé que d'environ 2 km sur un front large de 6. La côte de l'Oie, le bois des Corbeaux et le village de Cumières ont été pris mais les fantassins se heurtent à présent à une forte résistance au Mort-homme.
Les généraux Allemands s'aperçoivent qu'ils ne leur suffit pas de prendre le Mort-Homme, car la possession de celui-ci sera précaire tant que les Français tiendront la cote 304, qui flanque très bien le Mort-Homme et ses arrières. Ils décident donc d'enlever l'ensemble Mort-Homme-Cote 304 par une grande attaque enveloppante par la droite, s'étendant jusqu'à la corne sud du bois d'Avocourt. Ce sera le but de leurs efforts entre le 20 mars et les premiers jours d'avril.

En ce qui concerne la rive droite, la progression Allemande est stoppée devant le fort et le village de Vaux. De violents combats s'y déroulent durant plusieurs semaines.

 

Avril - mai - La bataille du Mort-Homme et de la cote 304

Début avril, débute une véritable guerre d'usure qui va prédominer jusqu'en novembre.
Français à Allemand vont poursuivre leurs combats féroces et acharnés sur des espaces très restreints, ne cessant d'avancer et de reculer, saignant les régiments pour des gains de terrains de quelques mètres à peine.
Certaines grandes attaques vont se démarquer comme la grande offensive française. pour tenter de reprendre le fort de Douaumont en mai, la prise du fort de Vaux par les Allemands en juin ou l'ultime effort allemand vers la ville de Verdun en juillet. Mais dans les autres secteurs du fronts, ça ne va être qu'une succession d'assauts et de contre-assauts.

Cette stagnation inévitable à laquelle les Allemands doivent se résigner, eux qui souhaitaient une percé éclair, et visible par l'apparition de leur côté de gros lanceurs de mines, symbole de la guerre d'usure...
De notre côté, le président de la République Mr Poincaré, loin de la réalité de Verdun, ne comprend pas pourquoi les surfaces de terrain reprises à l'ennemi sont si minuscules. Lorsqu'il regarde la carte du front, il voit le fort de Douaumont à 400 m des positions Française les plus avancées. Et il lui semble qu'une forte offensive pourrait facilement reconquérir le fort. Cependant, lorsqu'il s'entretient avec Pétain, ce dernier émet de grosses réserves pensant à l'inverse que ce n'est pas le bon moment et qu'une contre-offensive doit être préparée très méticuleusement. Cette prudence dont fait preuve Pétain, qui connaît les dures conditions de combat, la ténacité de l'adversaire et la situation actuelle, n'est pas comprise et interprétée comme une certaine passivité. Cette situation commence peu à peu à agacer au ministère, et conduira finalement à son remplacement futur...

Le 4 mai, après plusieurs semaines de très durs combats, la 11e division bavaroise prend pied sur la côte 304 par le bois d'Avocourt. Les Français doivent évacuer après avoir perdu 10.000 hommes.

Les contre-attaques lancées pour tenter de reconquérir la cote se soldent toutes par des échecs.

Désormais, les Allemands sont bien accrochés aux pentes du Mort-Homme et de la côte 304, le Kronprinz y concentre de nouvelles troupes. La deuxième armée compte maintenant 520.000 hommes alors qu'il n'y en avait que 150.000 à Verdun au début de la bataille.

Sur la rive droite, les combats sont toujours très violents sans qu'aucun adversaire ne parviennent à prendre de dessus sur l'autre.

 

22 mai - Grande offensive française pour tenter de reprendre le fort de Douaumond

Depuis la perte du fort de Douaumont, le 25 février, le G.Q.G. n'a jamais cessé d'imaginer un plan pour le reprendre. Le général Joffre a inlassablement réclamé cette offensive au général Pétain, mais ce dernier, conscient de l'infériorité de l'artillerie Française, a toujours tenté d'en reculer l'échéance.
Joffre, agacé par les réserves émisses en permanence par Pétain, parvient très subtilement à s'en débarrasser. Il ne peut pas limoger un tel chef, qui a tant œuvré pour Verdun depuis 2 mois et dont toutes les entreprises ont été un succès. Il éloigne donc Pétain du champs de bataille de Verdun par une manœuvre très habille, en l'élevant en grade. De commandant de la 2e armée, il devient commandant des Armées du centre, ou Verdun n'est plus qu'un élément.
Pétain installe donc son Q.G. à Bar-le-Duc et nomme le général Nivelle, qui vient de faire brillamment ses preuves à la défense du secteur de Froideterre-Fleury-Thiaumont, au commande de la bataille de Verdun.
Ce dernier confie au général Mangin la mission de préparer une grande offensive visant à reconquérir le fort de Douaumont.
L'offensive est prévue pour le 22 mai. La 5e D.I. appuyée par la 36e et une puissante artillerie doivent attaquer simultanément dans un même élan.


Le général Nivelle


Le général Mangin

Après une préparation d'artillerie commencée le 20 mai, les 2 divisions françaises s'élancent en direction du fort. Cependant, peu de groupes parviennent à atteindre l'édifice en raison du bombardement allemand qui surpasse inlassablement celui réalisé par les Français. Les pertes sont terribles. Les troupes qui sont parvenues au fort se retrouvent isolés, épuisés, à cour de munitions et continuent à subir de lourdes pertes.
Le 24, après 2 jours de combats désespérés, les soldats français sont contraint à rebrousser chemin.

Cet échec de l'offensive sur Douaumont est dû à plusieurs raisons :
- un manque évident d'effectif d'infanterie, 2 divisions n'était pas suffisantes pour une telle attaque ;

- un manque de moyen pour réaliser les travaux nécessaires, boyaux, parallèles de départ, gradins de franchissement ;

- un manque d'artillerie, bien que correctement mené, le pilonnage du secteur n'était pas suffisant et aurait dû commencer bien avant le 20 mai ;

- un manque de discrétion, les All. étaient parfaitement au courant qu'une attaque devait avoir lieu le 22 mai sur le fort.

Du 18 au 24 mai, la 5e D.I du général Mangin a perdu 130 officiers et 5 507 hommes, soit la moitié de ses effectifs...

 

Juin - Nouvelle offensive allemande sur la rive droite - Perte du fort de Vaux

Début juin, Falkenhayn veut frapper un grand coup pour enfin en finir avec Verdun. Il devient en effet urgent pour l 'Allemagne de dégager ce point du front ouest qui engloutie tant d'hommes. Les raisons sont simples, les services de renseignement allemand prévoient l'imminence de 3 grandes offensives ; dans la Somme, conjointement menée par la France et l'Angleterre ; sur le front russe, sans doute en Volhynie et en Bukovine ; et sur le front italien.
Il faut donc rapidement conquérir Verdun afin de disposer de forces suffisantes pour répondre aux importantes événements que se présagent.

Le plan est d'enfoncer les lignes françaises de la rive droite en attaquant à 4 contre 1 sur un front de 6 km, entre la cote du Poivre et Vaux-Damloup. Ce secteur est défendu par le fort de Vaux qui, à 3 km au sud-est de Douaumont, domine les Hauts de Meuse et surveille la Woëvre.
Après avoir écrasé le fort de Vaux par un intense bombardement, plus de 8000 obus lourds par jour, les Allemands passent à l'attaque le 1er juin.

Les bois de la Caillette et Fumin sont très vite dépassés et le fort de Vaux encerclé.
Le 4, les fossés sont aux mains de l'ennemi.
La garnison du fort est alors composée de plus de 600 hommes, alors qu'elle ne peut théoriquement en contenir que 250. Ils sont commandés par le commandant Raynald, du 96e R.I..

Jusqu'au 6 juin, les Allemands tentent en vain, par tous les moyens, de pénétrer dans les couloirs du fort. Les entrées des casemates sont bombardées, des grenades sont jetées dans les bouches d'aération, du liquide enflammé est projeté par les embrasures, des barrages de sacs de terre sont improvisés dans tous les couloirs.

Les défenseurs, asphyxiés, brûlés, assoiffés, défendent âprement, barricades après barricades, les couloirs et les gaines qui convergent vers la galerie principale, mais la confusion est la plus totale.
Le commandant Raynald envoie plusieurs messages par pigeon voyageur demandant une intervention urgente. Il sent que ses hommes, qui n'ont pratiquement rien bu depuis plusieurs jours, touche bientôt le bout de leur forces physiques.


Le Commandant Raynal

Dans la nuit du 6 au 7, le sous-lieutenant Farges tente de parlementer avec l'ennemi mais n'obtient aucune réponse.
Vers 6 h, une réponse arrive et un lieutenant allemand est introduit dans l'enceinte et conduit au commandant Raynald. Après que les 2 hommes se soient entretenus, la capitulation du fort est acceptée et signée.
Les hommes déposent leurs armes, certains dans les larmes. Dans un silence de mort, les allemands (le 39e R.I. prussien) entrent en file indienne par l'allée centrale. A leur passage, ils saluent les soldats français rangés de chaque côté.

L'évacuation française se fait par la brèche nord-ouest. En descendant les pentes du fort, de nombreux trous d'obus sont remplis d'une eau vaseuse, tous se jettent dans cette eau qui sent le cadavre.
C'est bien la soif qui a vaincu le fort de Vaux…

Le reste du mois, les troupes allemands poursuivent leurs efforts mais progressent très lentement en direction de la cote de Froideterre et l'ouvrage de Thiaumont.

 

Juillet - Ultime offensive allemande

Début juillet, Falkenhayn poursuit son offensive de la dernière chance. Un nouvel effort est prévue pour le 8 juillet. Cependant, la date est repoussée au 11 à cause du mauvais temps.

Le 12 au soir, après 2 jours terribles, les fantassins allemands viennent buter devant le village de Fleury, le fort de Tavannes, la crête de Froideterre, la chapelle Sainte-Fine et le fort de Souville ultimes butes avant la descente sur Verdun. Ils ne sont plus qu'à 3 km de la ville, mais ne réussissent pas à percer.

Ce jour est celui où l'armée allemande s'est trouvée la plus proche de la ville, et il s'en ait fallu de peu que la ligne de barrage française soit enfoncée.

Aujourd'hui, un monument, un grand lion couchée, comme mortellement atteint, symbolise cette extrême limite atteinte par l'armée Allemande. Dans la soirée du 12, le Kronprinz reçoit l'ordre, puisque les objectifs fixés n'ont pas pu être atteints, " de se tenir désormais sur une stricte défensive " … L'Allemagne vient de perdre la bataille de Verdun…
Ainsi, pour les Français, s'achève la partie défensive de l'énorme bataille de Verdun, laquelle a duré 5 mois.
Durant les 5 mois qui vont suivre, jusqu'a mi-décembre, les français vont continuer le combat et reconquérir, petit à petit, une partie du terrain perdu.

 

Les 3 attaques allemandes de février à juillet 1916

 

La reconquête française

Le général Joffre veut reprendre l'avantage et lancer une importante offensive. Le but est de reconquérir tout le terrain perdu depuis le début de la bataille, et principalement, les forts de Vaux et de Douaumont. Nivelle est Mangin se penchent sur le sujet.
Après étude, la grande attaque est planifiée pour le fin du mois d'octobre. Mais cette fois, les erreurs commises en mai ont servi de leçon : la préparation d'artillerie sera importante et 8 divisions mèneront l'attaque.

En septembre, mise à part quelques engagements locaux aux abords de Thiaumont, la bataille s'atténue dans tous les secteurs.
Avec la pluie qui tombe en permanence et les efforts fournis durant les 2 mois précédents, la lassitude est très grande. Allemands et Français s'observent d'une tranchée à l'autre avec indifférence. Il n'y a plus qu'une seule pensée qui obsède les esprits, vivre comme on le peut dans cette terre pourrie par les cadavres, cette humidité permanente et le froid qui commence à arriver.

Cette situation de stagnation pesante se poursuit jusqu'au 15 octobre durant laquelle l'armée française ne reste pas inactive. De gros travaux sont entrepris en préparation de la grande offensive : liaison téléphonique avec les 1ère lignes par câbles enterrés ; approfondissement des tranchées et création de parallèles de départ ; création d'abris et de P.C. Partout, la pioche s'enfonce dans les cadavres, les travailleurs se mettent des gousses d'ail dans les narines pour échapper à l'odeur épouvantable.
A côté de cela, les hommes qui doivent participer à l'assaut s'entraînent depuis 20 jours sur des terrains aménagés entre Bar-le-Duc et Saint-Dizier.
Le 15 octobre, tous les préparatifs sont terminés.

Le 21 octobre, commence la préparation d'artillerie, les Allemands sont écrasés et gazés par les obus de 400.

Le 22, une fausse attaque est lancée qui permet de découvrir 158 batteries Allemandes qui étaient restées muettes jusque là. Elle sont méthodiquement contre-battues par les canons français et 68 sont détruites.

Le 23, le fort de Douaumont reçoit plusieurs gros obus qui percent sa superstructure. L'un d'eux explose dans le dépôt de munition et provoque un important incendie. Les fumés toxiques se répandent dans les couloirs. Les masques à gaz ne suffisent plus et les Allemands sont contraint à évacuer le fort.

Dans la nuit du 23 au 24, les divisions française montent en ligne et se mette en position dans les parallèles de départ.

Dans la matinée du 24, beaucoup d'Allemands qui n'en peuvent plus se rendent. A 11 h 40, c'est l'assaut. Les troupes françaises progressent dans une épaisse brume qui recouvre toute la plaine. La progression qui se fait à la boussole est lente car le terrain est invisible et accidenté, mais les hommes avancent courageusement.
A 14 h 15, le Régiment d'lnfanterie Colonial du Maroc et quelques éléments du 321e d'infanterie sont arrivés aux pieds du fort de Douaumont et escaladent sa superstructure. Sur leur droite, la 74e division qui attaque face au fort, du bois Fumin au fond de La Horgne, progresse avec beaucoup plus de difficultés.
Dans l'après-midi, le fort de Douaumont est repris pratiquement sans combattre. Les quelques soldats Allemands qui restaient suite à son évacuation la veille, sont fait prisonnier. L'incendie s'étant atténué parvient à être maîtrisé.

Ce 24 octobre, le bois de Nawé a également été repris, ainsi que le village de Douaumont, le bois de la Caillette, le ravin du Bazil, celui de la Fosse-Côte et la moitié ouest du bois de Vaux-Chapitre.

Les combats se poursuivent en direction du fort de Vaux les jours suivants.

Dans la nuit du 2 au 3 novembre, les Allemands évacuent d'eux même le fort de Vaux, présentant que la lutte est devenue inutile. Il est repris par les Français le 3.

Dans cette offensive, 22 bataillons allemands ont été pulvérisés, les pertes totales sont estimées à 20.000 hommes dont 6.000 prisonniers, et un important matériel retrouvé dans le fort.

En 6 jours, l'artillerie française a tirées 790.000 obus, dont 518.000 de petits calibres et 272.000 de gros calibres

A la mi-décembre, le général Mangin poursuit son offensive pour dégager le terrain en avant des forts : l'armée allemande est pratiquement reconduite sur ses positions de départ, celles du mois de février 1916.
Elle a livré 10 mois de durs combats pour rien…

 

La riposte française de août à décembre 1916

 

Ainsi s'achève l'une des plus grandes boucheries de tous les temps.

Voir la partie "Bilan" pour connaitre les chiffres de la bataille.

Voir également :
La partie "Détaillée" qui fourni une étude de la bataille jour par jour, soutenue par de nombreuses photos et témoignages.
La partie "Dates" qui liste les grands événements de la bataille
La partie "Cartes" qui montre le déroulement étapes par étapes de la bataille sur le terrain
La partie "Satellites" qui permet de mieux se représenter les distances et le champ de bataille par les photos satellites du secteur.