Les chasseurs de Driant
Chanson écrite à
la mémoire du Lieutenant-Colonel Driant, député
de Nancy, tombé au Bois des Caures le 22 février 1916,
au début de la bataille de Verdun.
Ils étaient là
deux bataillons
De fins chasseurs nerveux et prompts
Gîtés dans les taillis profonds
Et la broussaille,
Qui, sous les ordres de Driant,
" Espéraient " depuis plus d'un an
L'heure de bondir en avant,
Dans la bataille !
Un " arrosage " meurtrier
Décima le sombre hallier
Le vingt-et-un de février
Dis-neuf cent seize ;
Et l'obus, en passant, hurlait,
Et le sol tanguait et roulait,
Et le bois des Caures croulait
Dans la fournaise !
Le soir, enfin, comme des loups,
Les Boches sortent de leurs trous
Et leur bande accourant vers nous
Est signalée ;
Et Driant leur cria de loin :
" Vivant, gueux, vous ne m'aurez point " !
En s'élançant, fusil au poing,
Dans la mêlée !
Qu'ils sont beaux, les petits Chasseurs
!
C'est la phalange des meilleurs
Tireurs, grenadiers, mitrailleurs
Bientôt fauchée,
Qui, seule, tient tête aux loups gris
Sans nulle panique et sans cris
N'ayant même plus ses abris
Dans la tranchée !
Hélas ! hélas ! le lendemain,
A la faveur d'un coup de main,
L'ennemi barre le chemin
Là, sur la crête :
Driant - dernier se retirant -
Fut aussi stoïque, aussi grand
Que Ney, jadis, et que Roland
Dans la retraite !
Un tel chef ne sait pas ramper
Et daigne à peine se courber :
Une balle s'en vint frapper
Sa tête altière :
Il se retourna, d'un effort,
" Adieu, mes gâs ! ", dis-il encor
Et - face au Boche - il roula mort
Dans la poussière !
***
Repose, fier et confiant :
La terre où tu dors - Ô Driant ! -
Vois, n'est déjà plus maintenant
Terre allemande !
Tes petits chasseurs (tes enfants)
tes vengeurs, enfin triomphants,
avec toi mort, entrent, vivants,
Dans la légende
Parole et musique
: Théodore Botrel
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Les sacrifiés
Elle a circulé après
l'offensive de Nivelle en avril 1917. Elle témoigne de la lassitude
envers la guerre des Poilus après 3 ans de combats et des grandes
offensives très meurtrières à répétition.
Lassitude qui a engendré les grandes mutineries de l'année
17.
Lorsqu'au bout de huit jours,
Le repos terminé,
Nous allons reprendre les tranchées,
Notre tâche est inutile,
Car sans nous on prend la pile,
Mais nous en avons assez,
Personne ne veut plus marcher,
Car le cur gros, avec des sanglots,
On dit adieu aux civlots ;
Et sans tambour, sans trompette,
Nous partons tous, en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes,
C'est pas fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Verdun, sur le plateau
Qu'on va laisser sa peau.
Car nous sommes tous des condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.
Nous voilà partis, et tous sac au
dos,
On dit adieu au repos.
Car pour nous la vie est dure,
C'est terrible, je vous l'assure.
A Verdun, là-haut,
On va se faire descendre,
Sans pouvoir même se défendre,
Car si nous avons de très bons canons,
Les Boches répondent à leur son.
Forcés de se cacher
Au fond de la tranchée
Attendant l'obus qui viendra nous tuer.
Huit jours de tranchée,
Huit jours de souffrances,
Cependant on a l'espérance,
Car ce soir c'est la relève,
Que nous attendons sans trêve
Tout-à-coup dans l'ombre et le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de Chasseur à pied,
Qui vient pour vous remplacer.
Doucement, dans l'ombre,
Sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leur tombe.
C'est malheureux de voir
Sur les grand boul'vards
Tous ces gens qui font la foire
Car si pour eux la vie est rose,
Pour nous ce n'est pas la même chose.
Au lieu de se cacher,
Tous ces embusqués
Feraient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leur bien,
Puisque nous n'avons rien,
Nous autres les purotins,
Pour défendre les biens de tous ces gros-là.
Refrain
Ceux-là qui ont le pognon,
Ceux-là reviendront,
Car c'est pour eux qu'on se crève.
Mais c'est fini, tous les troupiers
Vont bientôt se mettre en grève.
C'est à votre tour, Messieurs les gros,
De monter sur le plateau.
Puisque vous voulez la guerre.
Venez la faire de votre peau !
Parole
: Pierre Chapelle
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La butte rouge
Sur c'te butt'là
y'avait pas d'gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah ! C'était loin du Moulin d'la Galette,
Et de Panam' qu'est le roi des pat'lins.
C'qu'elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d'ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents !
Refrain
La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l'sang des copains.
Sur c'te butt'là
on n'y f'sait pas la noce
Comme à Montmartr' où l'champagne coul' à flots;
Mais les pauvr's gars qu'avaient laissé des gosses
Y f'saient entendre de pènibles sanglots !
C'qu'elle en a bu des larmes cette terre,
Larm's d'ouvriers, larmes de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !
Refrain
La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boit de ce vin là, boit les larmes des copains
Sur c'te butt'là,
on y r'fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars tendrement y échangent
Des mots d'amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,
J'ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé !
Refrain
La Butt' Rouge, c'est son nom, l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.
Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains !
Paroles : Montéhus
Musique : Georges Krier
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Verdun
Guillaum', qui s'était promis
D'êtr' en quinz' jours à Paris,
Resta salement en panne,
Sur la Marne.
Il veut r'commencer l'affaire
Après vingt mois, le malin,
Et décide sans manière
De prendre Verdun. (bis)
Mais comme il se souvenait
D'son coup du quatorz' Juillet,
D'la façon dont on s'cramponne
En Argonne,
Il am'na des troup's en masse
Et des canons d'quatre cent vingt,
" Cett' fois, il faudra que j'passe,
Je vais predr' Verdun ! " (bis)
De manière que ses soldats
Soient bien prêts pour le combat,
Qu'ils avancent avec moins d'peine
Qu'en Lorraine,
Il les bourra de saucisses,
De café, de bière, de vin
" Pour prix de mes sacrifices,
Vous prendrez Verdun ". (bis)
Quand tout fut prêt, subit'ment
Commença l' bombardement
L' plus terribl' de la campagne,
Mieux qu' Champagne !
Il prit un fort et bien vite,
Pour fair' marcher son emprunt,
Il télégraphia de suite :
" Nous tenons Verdun ! " (bis)
Oui, mais le lend'main matin,
L'fort n'était plus dans ses mains,
Il vit ses soldats descendre
Mieux qu'en Flandre.
Pour baptiser sa conquête,
De Castelnau et Pétain
Lui montrèr'nt comment sont faites
Les dragées d'Verdun. (bis)
Et Guillaume essaie toujours,
A Saint-Mihiel, à Malancourt,
Mais vaincre la résistance
de la France,
La tâche est pour lui trop dure,
Il s'y cassera les reins,
Et il peut s'mettr' la ceinture
Pour prendre Verdun. (bis)
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Ils sont là !
Ils sont là dans
le bois sombre,
Toujours forts, toujours en nombre,
Et bien abrités toujours :
N'ayant clairons ni tambours,
Couverts de silence et d'ombre,
Ils sont là dans le bois sombre.
Ils sont là dans
le ravin,
Ne tirant jamais en vain,
Jamais ne levant le tête ;
Et, si l'ennemi s'entête,
Cinq contre un, cent contre vingt,
Ils sont là dans le ravin.
Ils sont là dans
le village,
Se ruant avec courage
Sur le pauvre paysan.
Ce sont des pleurs et du sang ;
On brûle, on tue, on saccage,
Ils sont là dans le village.
Ils sont là devant
Paris ;
Nous trouvant trop peu meurtris
Par la faim et la mitraille,
Leur or paye la canaille,
Nos palais sont des débris,
Ils sont là devant Paris.
Ils sont là dans
notre France,
Etouffant notre espérance
Et nous tenant sous leur loi.
O mon pays, souviens-toi !
Souviens-toi de ta souffrance :
Ils sont là dans notre France !
Paroles : Paul Déroulède
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Tu n'en
reviendras pas
Tu n'en reviendras pas toi qui courais
les filles,
Jeune homme dont j'ai vu battre le coeur à nu
Quand j'ai déchiré ta chemise et toi non plus,
Tu n'en reviendras pas vieux joueur de manille.
Qu'un obus a coupé par le travers
en deux,
Pour une fois qu'il avait un jeu du tonnerre.
Et toi le tatoué l'ancien Légionnaire,
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux.
On part Dieu sait pour où, ça
tient du mauvais rêve,
On glissera le long de la ligne de feu.
Quelque part ça commence à n'être plus du jeu
Les bonshommes là-bas attendent la relève.
Roule au loin roule le train des dernières
lueurs,
Les soldats assoupis que ta danse secoue
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou,
Cela sent le tabac, l'haleine et la sueur.
Comment vous regarder sans voir vos destinées,
Fiancés de la terre et promis des douleurs.
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées.
Déjà la pierre pense où
votre nom s'inscrit,
Déjà vous n'êtes plus qu'un nom d'or sur nos places,
Déjà le souvenir de vos amours s'efface,
Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri.
Léo Ferré
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Au bois-le-Prêtre
Je vais chanter le bois
fameux
Où, chaque soir, dans l'air brumeux
Rode le Boche venimeux
A l'il de traître,
Où nos poilus au cur altier,
Contre ce bandit de métier,
Se sont battus sans lâcher pied,
Le bois le Prêtre !
On est terré comme
un renard,
On est tiré comme un canard,
Si l'on sort, gare au traquenard,
Où l'on s'empêtre
Dès que l'on quitte son bourbier
On reçoit un lingot d'acier
Car l'on est chasseur et gibier,
Au bois le Prêtre.
Tous les arbres y sont hachés,
Et des Bavarois desséchés
Là-haut sont encore accrochés
Sur un vieux hêtre,
Il y sont pour longtemps, dit-on,
Car même le vautour glouton
Vous a le dégoût du Teuton,
Au bois le Prêtre.
Là-bas, le fauve,
c'est le pou
Ce que l'on se gratte, c'est fou !
D'abord, on lutte avec la poudre
De pyrèthre,
Puis aux " totos " on s'aguerrit
Et l'on conclut avec esprit :
- Plus on a de poux, plus on rit
Au bois le Prêtre.
On est sale, on est dégoûtant,
On a tout de l'orang-outang,
On rit de ressembler pourtant
A cet ancêtre !
Dans la boue on vit et l'on dort,
Oui, mais se plaindre, on aurait tort
Au bois le Prêtre.
Si, du canon bravant l'écho,
Le soleil y risque un bécot,
On peut voir le coquelicot
Partout renaître
Car, dans un geste de semeur,
Dieu, pour chaque Poilu qui meurt,
Jette des légions d'honneur
Au bois le Prêtre !
Après la guerre,
nous irons
Et nous nous agenouillerons
Sur chaque croix, nous écrirons
En grosses lettres :
" Ci-gît un gars plein d'avenir,
Qui, sans un mot, sans un soupir,
Pour la France est tombé martyr
Au bois le Prêtre.
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La Madelon
Pour le repos, le plaisir du militaire,
Il est là-bas à deux pas de la forêt
Une maison aux murs tout couverts de lierre
"Aux Tourlourous" c'est le nom du cabaret.
La servante est jeune et gentille,
Légère comme un papillon.
Comme son vin son il pétille,
Nous l'appelons la Madelon
Nous en rêvons la nuit, nous y pensons le jour,
Ce n'est que Madelon mais pour nous c'est l'amour
Refrain
Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon
La Madelon pour nous n'est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c'est tout le mal qu'elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !
Nous avons tous au pays une payse
Qui nous attend et que l'on épousera
Mais elle est loin, bien trop loin pour qu'on lui dise
Ce qu'on fera quand la classe rentrera
En comptant les jours on soupire
Et quand le temps nous semble long
Tout ce qu'on ne peut pas lui dire
On va le dire à Madelon
On l'embrasse dans les coins. Elle dit "veux-tu finir..."
On s'figure que c'est l'autre, ça nous fait bien plaisir.
Refrain
Un caporal en képi de fantaisie
S'en fut trouver Madelon un beau matin
Et, fou d'amour, lui dit qu'elle était jolie
Et qu'il venait pour lui demander sa main
La Madelon, pas bête, en somme,
Lui répondit en souriant :
Et pourquoi prendrais-je un seul homme
Quand j'aime tout un régiment ?
Tes amis vont venir. Tu n'auras pas ma main
J'en ai bien trop besoin pour leur verser du vin
Refrain
Paroles : Louis Bousquet
Musique: Camille Robert
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Poème
de Marcel LELONG
Médecin auxiliaire au 164e RI
Verdun, 21-23 février 1916
Herbebois
Chacun à son fusil
! Lennemi nous attaque !
Dès le soleil levant les lourds canons quil braque
Par un matin dhiver sur nous crachent la mort
Triste, anxieux, chacun interroge le sort.
La tempête hurle et la mitraille
fait rage
Inscrivant pour beaucoup une sanglante page ;
Du fracas des obus la forêt retentit
Et dans cette bourrasque la nature frémit.
A lassaut, braves gens ! Lame claire,
on sélance
Dans la noire fournaise, et malgré leur vaillance
Ils tombent, les gars, sous lacier détonnant,
Le corps déchiqueté, les
membres en bouillie
Ô guerre ! Si tu nes que cette boucherie,
Oh, comme je te hais, sous ton masque sanglant !
Marcel LELONG
(Merci à Vincent
LELONG, petit-fils de Marcel LELONG, de m'avoir fourni ce poème).
Carnets
de captivité de Marcel LELONG 1916
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