La fraternisation…

Témoignage du soldat Gervais MORILLON :

" Il se passe des faits à la guerre que vous ne croiriez pas. Avant-hier, et cela a duré deux jours dans les tranchées que le 90e occupe en ce moment, Français et Allemands se sont serré la main.
Voilà comment cela est arrivé : le 12 au matin, les Boches arborent un drapeau blanc et gueulent : "Kamarades ! Kamarades ! rendez-vous !"
Ils nous demandent de nous rendre. Nous de notre côté, on leur en dit autant ; personne n'accepte. Ils sortent alors de leurs tranchées, sans armes, rien du tout, officier en tête ; nous en faisons autant et cela a été une visite d'une tranchée à l'autre, échange de cigares, cigarettes, et à cent mètres d'autres se tiraient dessus.
Si nous ne sommes pas propres, eux sont rudement sales, ils sont dégoûtants, et je crois qu'ils en ont marre eux aussi.
Depuis, cela a changé ; on ne communique plus. "


Soldat français fumant une cigarette dans une tranchée allemande
(photo censurée par l'armée française)

 

Témoignage de X… :

" Deux Allemands âgés soutiennent un camarade qui agonise. Une grande amitié devait unir ces trois hommes. Les deux qui sont valides ont les yeux plein de larmes et comme le blessé agonise, l'un d'eux se penche vers lui et l'embrasse longuement.
Impressionnés par tant de malheur et en dépit de l'exaspération quelques soldats français s'arrêtent, émus.

Depuis quelque temps de petites conversations s'engageaient entre les loustics des tranchées de premières lignes boches et françaises. On échangeait, allant même jusqu'à la sympathie, quelques phrases pleines de saveurs : "Quand donc finira la guerre ?" L'aura-t-on posée assez souvent cette question ? "

Témoignage de Edouard BOURGINE du 3e bis Zouaves :

" Ce matin, un épais brouillard estompait uniformément chaque chose, impossible de voir à deux pas devant soi.
Brusquement, des patrouilleurs boches trouèrent le brouillard devant nous. Ils allaient paisiblement, les mains dans les poches, l'arme à la bretelle. Stupéfaits, nous eûmes un instant d'indécision. C'est alors que le gradé boche proféra d'un ton lamentable " triste guerre messieurs, triste guerre… " puis le brouillard l'enveloppa. "

Témoignage du soldat Gustave BERTHIER :

" Nos quatre jours de tranchées ont été pénibles à cause du froid et il a gelé dur, mais les Boches nous ont bien laissés tranquilles. Le jour de Noël, ils nous ont fait signe et nous ont fait savoir qu'ils voulaient nous parler. C'est moi qui me suis rendu à 3 ou 4 mètres de leur tranchée pour leur parler, d'où ils étaient sortis au nombre de trois.
Je résume la conversation que j'ai dû répéter peut-être deux cents fois depuis à tous les curieux. C'était le jour de Noël, jour de fête, et ils demandaient qu'on ne tire aucun coup de fusil pendant le jour et la nuit, eux-mêmes affirmant qu'ils ne tireraient pas un seul coup. Ils étaient mariés comme moi (ils avaient vu ma bague), n'en voulaient pas aux Français mais aux Anglais. Ils me passèrent un paquet de cigares, une boîte de cigarettes bouts dorés, je leur glissai Le Petit Parisien en échange d'un journal allemand et je rentrai dans la tranchée française où je fus vite dévalisé de mon tabac boche.
Pas un coup de fusil. On put travailler aux tranchées, aménager les abris comme si on avait été dans la prairie Sainte-Marie. Le lendemain, ce n'était plus Noël..."

Journée du 15 mars 1916, attaque allemande sur les deux rives. Témoignage de Robert GILLET, soldat au 16e R.I. :

" Une anecdote que je tiens de l'aumônier divisionnaire Lestrade et qui peint l'âme du poilu français. Lestrade avait, selon son habitude, accompagné de près nos vagues d'assaut avec sa vaillance accoutumée. En parcourant les tranchées conquises, il trouve dans un abri plusieurs soldats français en compagnie de plusieurs soldats allemands. Les Français ont ouvert leurs musettes et en ont partagé fraternellement le contenu avec leurs prisonniers. Tous mangent d'un bon appétit, on dirait une pension de famille. "

 

Témoignage de Louis PAPIN, soldat au 56e B.C.P. :

" Nous nous traînons dans le bois auprès d'officiers allemands qui, en langue française, nous félicitent de notre courage, nous offrent liqueurs et cigarettes, après avoir déclaré que nous étions "intuables". "

 

Les prisonniers...

Journée du 11 juillet 1916, attaque allemande sur le fort Souville. Témoignage du docteur Léon BAROS, aide-major au 217e R.I. :

" Des prisonniers boches défilent devant nous ; quelques-uns, blessés, sont pansés par nous au passage. Ils ont faim, ils ont soif, leurs traits sont tirés et leurs vêtements boueux en lambeaux. Ils réclament à boire et à manger. Et nos poilus qui viennent de subir tant de mal par eux, leur offrent du pain, du chocolat, de l'eau et oublient toute rancœur, dans un grand élan de générosité.
Les blessés boches que nous pansons pleurent et nous offrent tout ce qu'ils possèdent : Leur couteau de poche, des cigares, des boîtes d'allumettes. "

 

Témoignage du soldat LECLAIRE :

" Les prisonniers nous disent : "Nous ne serons pas vainqueurs, mais vous ne le serez pas non plus""

Témoignage de Joseph GOURC, aspirant au 142e R.I. :

" Un soir, comme nous ramenions un prisonnier, un de mes sergents, pour l'effrayer, lui mit sous le nez un revolver : notre Boche, sans s'émouvoir, lui dit dans le plus pur français : "Vous pouvez me tuer, cela ne nous empêchera pas d'être victorieux et d'aller à Paris.""

Témoignage du soldat SUTEAU du 90e R.I. :

" Notre prisonnier nous fit comprendre qu'il était heureux d'être prisonnier, que la guerre était finie pour lui et que s'il avait tant hésité pour se faire prisonnier, c'est que de l'autre côté, on leur disait que les Français tuaient leurs prisonniers à coups de baïonnettes. "

 

Témoignage de Edouard BOUGARD, caporal au 208e R.I. :

" Nous assistons au défilé des réserves allemandes, très nombreuses : aucune injure à notre adresse ; les malheureux enviaient notre sort, car nous n'entendions que des "Monsieur, guerre finie…""