Les chars de combat

 

Depuis que l'homme fait la guerre, il a toujours cherché un moyen de progresser à couvert sous le feu de son ennemi.
Les toutes premières protections sont de rudimentaires protections en bois créées par les premières civilisations. Les Grecs et les Romains conçoivent des tours montés sur roues protégés par des boucliers. Les soldats du moyen-âge perfectionnent ces tours en les concevant beaucoup plus hautes et, au cours des siècles, en les recouvrent de plaques métalliques : les tours de sièges.

Au 16e siècle Léonard de Vinci (1452-1529) dessine un modèle de char de combat sur roues. Mais l'idée trop avancée pour l'époque ne donne aucune suite.

En 1893, l'ingénieur allemand Frédérick Richard Simms, qui travaille pour le Royaume Unis, fonde la première usine de moteur automobile. En 1895, il met au point la première voiture à essence.
En 1898, il a l'idée de monter une mitrailleuse Maxim sur un quadricycle à moteur, protégée par une petite plaque de blindage léger. Ce véhicule surnommé " Motor Scout " est le premier véhicule armé à moteur.


Le "Motor Scout"

En avril 1902, Frédérick Richard Simms travail sur un nouveau model. Il conçoit un véhicule entièrement recouvert d'une plaque de blindage de 6 mm d'épaisseur et armée de 2 mitrailleuses Maxim montées dans 2 tourelles pouvant tourner sur 360°. Il est équipé d'un moteur à essence Daimier d'une puissance de 16 chevaux-vapeur pouvant lui faire atteindre la vitesse de 14,5 km/h
Ce véhicule surnommé " Motor War Car " est le premier véhicule blindé et armé au monde.


Le "Motor War Car"

La même année, en mars 1902, une société française travaille elle aussi sur un modèle de véhicule motorisé armé et blindé. La compagnie Charron et Girardot & Voigt réalise un véhicule à partir d'une voiture de 50 chevaux-vapeur dont est installée sur l'arrière, une tourelle circulaire blindée. Une mitrailleuse Hotchkiss est montée dans la tourelle. Le blindage a une épaisseur de 7 mm. La voiture peut atteindre la vitesse de 40 km/h.
Elle est présentée au " Salon de l'Automobile et du Cycle " de Bruxelles ou elle remporte un vif succès par les observateurs militaires présents sur le salon. Cependant, elle reste au stade de prototype car son coût de fabrication est jugé beaucoup trop élevé.


En 1904, l'ingénieur autrichien Mikheil Nakashidze réalise un nouveau prototype de voiture blindé mais cette fois-ci, un blindage de 8 mm recouvre entièrement le véhicule. Cette voiture de 3 tonnes peut atteindre la vitesse de 50 km/h. Elle est équipée d'une petite mitrailleuse montée sur le toit. La France s'en procure un exemplaire pour réaliser des tests.


En 1906, en Amérique, l'industriel Benjamin Holt, qui construit des tracteurs agricoles, a l'idée de remplacer les roues par une chenille. Cette modification permet de répartir le poids du véhicule sur une plus grande surface et facilite les déplacements sur terrain boueux.


Un tracteur "Holt"

En 1912, l'ingénieur militaire Autrichien Günther Burstyn et l'ingénieur civil Australien Lancelot de Mole, présentent au ministère de la Guerre Britannique deux projets d'engins blindés à chenilles. Leurs projets sont chacuns rejetés !

Jusqu'en 1914, quelques autres prototypes de véhicules blindés sont imaginés par les industrielles du monde entier. Cependant, c'est la première guerre mondiale qui va accélérer leur développement...

Dés le 23 août 1914, le colonel de l'Armée française, Jean-Baptiste Eugène Estienne, déclare que " La victoire appartiendra dans cette guerre, à celui des deux belligérants qui parviendra le premier à placer un canon de 75 sur un véhicule capable de se mouvoir en tout terrain ".

Le ton est donnée, durant les mois qui suivent, chaque nation en guerre perfectionne ses modèles et planche sur de nouveaux véhicules armés et blindés.

L'urgence est de mise :
- Les Français produisent dés les premiers jours de la guerre des automitrailleuses à partir de modèle civils. Elles ne sont pas blindées bien que certaines reçoivent néanmoins un blindage sommaire ;


Véhicule civil équipé d'une mitrailleuse et d'un blindage de fortune

- Les Britanniques produisent également très rapidement des véhicules blindés à partir de RollsRoyce de type Silver Ghost. Elles sont munies de plaques de blindage qui recouvrent tout le châssis. Une tourelle est placée derrière le conducteur et armée d'une mitrailleuse Vickers ou Maxim ;


RollsRoyce blindée

Jusqu'à la fin de l'année 1914, toutes les grandes marques automobiles conçoivent et produisent plusieurs modèles d'automitrailleuses blindées. Des progrès sont réalisés quant à la puissance des moteurs, l'épaisseur des blindages, les socles de mitrailleuses, les tourelles, l'ergonomie des véhicules... Parallèlement, de nombreux trains militaires reçoivent un blindage identique à celui des automobiles.

Parmi les automitrailleuses les plus représentatives :
- Une automitrailleuse de marque Renault. ce modèle a le défaut d'avoir un blindage trop faible.

- Une automitrailleuse de marque Peugeot. Elle est livrée soit avec une mitrailleuse unique de 8 mm, soit une mitrailleuse de 8 mm plus un canon de 37 mm.

Tous ces véhicules obtiennent de bons résultats sur route ou en campagne. Cependant, lorsqu'à la fin de l'année 1915, la guerre se transforme en une guerre de position, et que les tranchées et les réseaux de fil de fer font leur apparition, il faut se rendre à l'évidence, ces véhicules ne sont pas du tout adaptés pour des terrains accidentés.
Il est donc urgent de concevoir de nouveaux véhicules adaptés à la nouvelle topologie du champ de bataille. Chaque nation en guerre se penche sur le problème.

En décembre 1914, l'ingénieur Français Paul Frot propose au ministère de la guerre, les plans d'un gros véhicule blindé mais non armée et dépourvue de chenilles. Il est présenté comme un " rouleau cuirassé " capable de traverser les réseaux de fil de fer. Un prototype est construit et testé le 18 mars 1915.
Si en effet, il parvient à traverser un réseau de fil de fer assez dense, il s'avère trop lourd, difficilement contrôlable et très lent. Il n'est pas donné suite...

En janvier 1915, en France comme en Angleterre, des tentatives de blindage de tracteurs agricoles sont réalisés. Ces véhicules conçus à la base pour se déplacer dans la terre et la boue, semblent être les plus adaptés du moment pour le champ de bataille.


Tracteur agricole doté d'un blindage

En mai, des études sont lancées pour se procurer des tracteurs agricoles à chenilles de l'Américain Benjamin Holt. Il est en effet admis incontestablement dans le monde, que ce modèle à chenille et bien celui qui obtient les meilleurs résultats lors des déplacements sur les terrains très accidentés. Il est ensuite installé un blindage sur les tracteurs.
Après de nombreux tests et améliorations, notamment dans la dimension des chenilles, les Français comme les Britanniques sont en mesure de produire de tels tracteurs vers la fin de l'année 1915. Ces véhicules blindés et armés sont capables à la fois de traverser les réseaux de fil de fer et de passer par-dessus les tranchées.


D'autres prototypes sont réalisés durant l'année 1915, mais qui ne donnent aucune suite. Parmi les plus représentatifs :
- Un véhicule " coupe fil de fer " imaginé par les 2 ingénieurs Breton-Prétot et conçus pour traverser les réseaux. Durant le premier semestre 1915, en pleine phase de test, il est amélioré à plusieurs reprises. Puis, à partir d'août, il est commandé en 10 exemplaires par le ministère de la guerre. Déjà dépassé au moment de sa mise en service, aucune autre commande n'est renouvelée.

- Un véhicule " blockhaus " conçus par les 2 ingénieurs Aubriot-Gabet. Il est monté sur un châssis de tracteur agricole Filtz et surmonté d'une tourelle de canon de 37 mm. 2 hommes sont nécessaires dans la tourelle pour le servir. La propulsion est assurée par un moteur électrique alimenté par un câble qui se déroule derrière le véhicule au fur et à mesure de sa progression. Très vulnérable ne serais-ce que par son système de propulsion, il est abandonné.

Parallèlement à toutes ces créations destinées au champ de bataille, la production d'automitrailleuses ne cesse pas. Elles constituent en effet des véhicules parfaits sur les routes à l'arrière des lignes et continuent à être abondamment employées. L'année 1915 voit la création de nouveaux modèles plus performants et plus modernes.
Parmi les plus représentatives :
- Une automitrailleuse Renault modèle 1915. Ce modèle bénéficie d'un blindage plus épais et d'une meilleure ventilation du moteur.

- Une automitrailleuse Peugeot 1915.

- Un prototype d'automitrailleuse Gasnier 1915. Ce modèle ne sera jamais produit.

Apparaissent également des véhicules plus volumineux basés sur des châssis de camions :
- Un auto-camion Renault basé sur le châssis d'un camion de 16 chevaux. Il est équipé d'un canon Hotchkiss de 47 mm à tir semi automatique.

- Un auto-camion australien doté d'un moteur de 22 chevaux, qui lui permet d'atteindre la vitesse de 40 km/h. Il est protégé par des plaques de blindage de 5 mm d'épaisseur et équipé de solides pneus à bandage plein. Son armement est composé de 2 mitrailleuses jumelles Vickers pouvant tirer 450 balles à la minute.

 

Jusqu'à la fin de l'année 1915, les recherches se poursuivre activement pour trouver enfin un véhicule qui puisse remplir à la fois toutes les exigences de la guerre moderne : pouvoir se déplacer aisément sur les terrains accidentés ; pouvoir résister aux projectiles ; être puissant ; ne pas être trop lourd ; et disposer d'armes puissantes.

Les Britanniques sont les premiers à produire un nouveau modèle de véhicule qui répond au mieux à toutes ces exigences.
Depuis août 1915, ils travaillent dans le plus grand secret à l'élaboration d'un prototype surnommé " Lincoln Number 1 ". Cet engin dispose de 2 grosses chenilles de modèle américain qui lui permettent de franchir des tranchées de 1 m de large. Un moteur de tracteur Foster Diamler de 105 chevaux lui permet d'atteindre la vitesse de 6 km/h. Il dispose sur l'arrière d'une roue qui facilite la direction. Son blindage est réalisé à partir de plaques de chaudières. Son armement est théoriquement un canon de 40 mm mais ce prototype n'est muni que d'une tourelle factice. Son équipage est prévu pour 4 à 6 hommes.
Il est testé en septembre 1915 et présenté à Wilson Churchill, alors Premier lord de l'Amirauté.


Le char "Lincold number 1"

Ce prototype ne donne pas entière satisfaction car son déplacement sur le terrain et jugé encore trop limité. Les recherches reprennent et un nouveau prototype basé sur le premier voit le jour à la fin de novembre 1915. Ce nouvel engin, surnommé " Little Willie ", est considéré comme le premier char moderne. Il est présenté pour la première fois le 3 décembre 1915. Le moteur et la coque sont identiques au prototype Lincoln mais il dispose de nouvelles chenilles plus performantes. La roue arrière de direction est conservée. La tourelle est remplacée par une armature rectangulaire. Son équipage est également prévu pour 4 à 6 hommes.


Le char "Little Willie"

Les essais réalisés sont prometteurs car les performances établies sont supérieurs au modèle Lincoln. Cependant, là encore, l'Amirauté souhaite la poursuite active des recherches, pour disposer rapidement d'un char de combat qui soit d'avantage maniable en terrain accidenté et qui puisse traverser des obstacles plus importants.

Les recherches se tournent alors vers une idée de chenilles qu'a eut quelques mois auparavant un correspondant de guerre, le lieutenant-colonel Ernest D. Swinton. Il a proposé le 15 septembre de la même année un système révolutionnaire de chenilles enveloppantes, et il a réalisé une maquette qu'il à présenté au comité. Il est recontacté et obtient carte blanche pour réaliser un prototype taille réel de son projet et le présenter le plus rapidement possible.
Le 2 février 1916, Ernest D. Swinton est en mesure de présenter au roi et à toutes les hautes instances du gouvernement britannique, un premier prototype qui est surnommé " Big Willie ".
Ce char, contrairement à ses prédécesseurs, est très imposant et possède des caractéristiques jamais égalées : longueur = 9 m 75, largeur = 4 m 30, hauteur = 2 m 41, poids = 28,45 tonne. Son blindage est composé de plaques de 6 mm, allant jusqu'à 12 mm en certains endroits. Il est équipé d'un moteur 6 cylindres en ligne de 106 chevaux, de marque Daimler, qui lui permet d'atteindre la vitesse 5,95 hm/h sur route. Ses réservoirs lui permettent d'avoir une autonomie de 38 km. Le système de roue de direction arrière est une fois de plus conservé pour faciliter ses rotations. Son armement est composé de canons de marine de 6 livres à tir rapide et de mitrailleuses Hotchkiss. Son équipage est prévu pour 8 hommes.


Le char "Big Willie"

Cette fois ci, sa longueur impressionnante lui permet de passer facilement des réseaux de fil de fer très denses, des obstacles d'un mètre de haut et des tranchées de 4 m de large. De plus, son système de chenilles et sa puissance lui assure une aisance sur tous terrains. De ce faite, il est tout de suite apprécier par l'Amirauté qui passe aussitôt une commande pour 40 exemplaires. Quelques jours plus tard, la commande est augmentée à 100 exemplaires, puis le mois suivant, à 150.
Ce char renommé officiellement " Tank Mark 1 ", est le premier char moderne à être utilisé sur un champ de bataille. Il est produit en 2 modèles qui ne sont différent que par leurs armements, un modèle dit " Male " avec 2 canons de marine de 6 livres à tir rapide et 4 mitrailleuses Hotchkiss, un modèle dit " Femelle " avec uniquement 6 mitrailleuses Hotchkiss.
Le projet du char " Tank Mark 1 " supplante ainsi celui du char " Little Willie ", qui ne sera jamais produit. Cependant, ce sont les travaux entrepris sur " Little Willie " qui ont rendus possible la réalisation de ce dernier char, et ils ont permis de réaliser un grand pas en avant dans la technologie militaire sur les chars de combat.

 

En France, de manière totalement indépendante, des recherches sont également entreprises pour la création d'un char blindé. Elles ont pour origine la collaboration, en décembre 1915, de Jean-Baptiste Eugène Estienne (devenu général) et de l'ingénieur Eugène Brillié, de la société Schneider-Creusot.
Un premier prototype nommé " cuirassé terrestre " est présenté au début de janvier 1916. Ses caractéristiques sont : longueur = 6 m 32, largeur = 2 m 05, hauteur = 2 m 30, poids = 12,5 tonnes. Il est muni de 2 chenilles. D'un moteur 4 cylindres de 60 chevaux à 3 vitesses pouvant lui faire atteindre la vitesse de 4 km/h. Son blindage est composé de plaques en acier trempé de 11 mm, conçue pour arrêter une balle de fusil Mauser à 150 m. Son armement se compose d'un canon de 75 mm court Schneider, monté à l'avant droit, pouvant tirer à 600 m ; et de 2 mitrailleuses Hotchkiss sur chaque flanc, protégées chacune par des boucliers hémisphériques. A l'avant et sur les côtés, des fentes horizontales fermées par les volets réglables permettent une bonne visibilité. Sur l'avant, un grand éperon métallique est disposé pour permettre à la fois de rabattre les obstacles sous les chenilles, et d'empêcher que le char bascule vers l'avant. Son équipage est formé de 6 hommes, le chef de char, l'adjoint, le pilote, le canonnier et 2 mitrailleurs.
Suite à sa phase de test, une commande est passée par le Grand Quartier Général pour la fabrication de 400 chars livrables le plus rapidement possible. Le char prend alors le nom officiel de char Schneider.


Le char Schneider

 

Au début de l'été 1916, une grande offensive franco-britannique est prévue dans la Somme, entre Arras et l'Oise. Le général Douglas Haig, qui commande les forces britanniques en France prévoie une percée fulgurante des lignes allemandes. Il réquisitionne les 60 premiers chars Tank Mark 1 de disponible.
Le colonel Jean-Baptiste Eugène Estienne, qui ne dispose pas encore de son char Schneider, car il est encore en pleine production, tente de convaincre de général Haig de différer l'emploie de son modèle anglais. Il souhaite en effet que Britanniques et Français inaugurent en même temps cette nouvelle arme sur le champ de bataille afin de bénéficier d'un effet de surprise total. Cependant, Haig ne plie pas et dans le plus grand secret, une 50e de chars Tank Mark 1 traverse la Manche et est acheminée au plus près du champ de bataille de la Somme. Cette unité de char est commandée par le général Ernest Dunlop Swinton.

Le 15 septembre 1916, alors que la bataille de la Somme est commencée depuis le 1er juillet, débute la première bataille d'infanterie appuyée par des chars de combat. Au sud de Bapaume, au nord-est de Flers, 21 chars Tank Mark 1 s'engagent aux côtés des 9 divisions d'infanteries britanniques et des 2 divisions canadiennes qui participent à l'attaque. Il faut dire que sur 49 chars prévues initialement, seuls 32 ont put rejoindre les lignes de départ et uniquement 21 sont parvenue à s'élancer à l'heure H, les autres sont tombés en panne.
Grace à quelques chars qui progressent à la vitesse d'un homme au pas, une division britannique parvient à progresser de plus de 3 km et une division canadienne s'empare du village de Courcelette. La progression dans ces secteurs n'est stoppée que par des bois que les chars ne peuvent pénétrer.


Char Mark 1 durant l'offensive du 15 septembre 1916

Dans les autres endroits du front, de nombreux chars tombent en panne et d'autres sont immobilisés par les tirs de l'artillerie Allemandes. Après 10 jours de combats, les conclusions sont très mitigées. L'apparition des chars a indéniablement créé un effet de surprise dans les tranchées allemandes. Cependant, il n'a rien apporté de réellement décisif dans le résultat final.
Les causes sont multiples :
- Le champ d'attaque était très vaste, et les chars étaient trop dispersés. Une disposition plus concentrée en certains endroits du front aurait permis de meilleurs résultats ;
- Si les chars ont fait preuve d'une bonne efficacité une fois arrivés aux tranchées ennemis, ils se sont montrés très vulnérable lors de la traversé du no man's land. Trop lent, trop sujet aux pannes, d'une manœuvrabilité trop mauvaise sur un terrain qui n'était pas adapté aux blindés.
- Le secret de l'opération a empêché tout entrainement des fantassins avec ces nouveaux véhicules. Les hommes n'étaient pas du tout préparer et l'effet de surprise causé sur l'ennemi à eu en partie le même effet sur eux.

En Angleterre, cette première attaque avec l'assistance des chars d'assaut est considérée comme un véritable échec. Au point que la confiance que l'on a mise en eux est ébranlée, au plus grand plaisir des généraux les plus conservateurs qui n'ont cessé du dire que cette arme n'apporterait rien. Le général Ernest Dunlop Swinton est démis de ses fonctions et l'on tente d'annuler une commande de 1000 blindés en cours de fabrication.
Pour couronner le tout, les Allemands sont parvenus à capturer un char Mark 1 durant l'attaque et ils travaillent déjà à la conception d'un projectile pouvant les détruire. De plus, cette capture pousse le ministère de la guerre allemand a missionner une commission chargée d'étudier l'utilité et la faisabilité d'un véhicule blindé.

 

En France, l'échec subit par les Britanniques ne décourage en rien le projet en court. 400 chars d'assauts Schneider sont en court de fabrication et l'on est impatient de les engager contre l'ennemi. Un nouveau projet voit même le jour au milieu de l'année 1916. Il a pour origine une discorde entre la société Saint-Chamond et la société Schneider qui ont toutes 2 le contrat de fabrication des chars Schneider. Suite à une dispute des 2 dirigeants, la société Saint-Chamond annule ses engagements et se lance dans la conception de son propre char d'assaut.
Le char Saint-Chamond a exactement le même châssis et les mêmes chenilles que le char Schneider. Il dispose par ailleurs d'un canon de 75 mm long disposé au centre de la partie avant. Un tel calibre oblige de rallonger d'au moins 2 m le compartiment avant. Il en résulte que le char est beaucoup plus lourd et imposant que le modèle Schneider. Longueur = 8 m 70, largeur = 2 m 70, hauteur = 2 m 40, poids = 22 tonnes Pour pallier à son poids important, il est doté d'un moteur à essence 4 cylindres Panhard et Levassor de 90 chevaux, qui lui permet d'atteindre sur route, la vitesse de 12 km/h. Sa transmission est électrique, ce qui rend la direction plus souple. Son blindage est formé de plaques de métal de 11 mm allant jusqu'à 19 mm par endroit. En plus du canon de 75 mm, il est doté de 4 mitrailleuses Hotchkiss de 8 mm. Son équipage est prévu pour 9 hommes, le chef de char, le chef de pièce, 2 canonniers, 4 mitrailleurs et le mécanicien.
En septembre 1916, un premier prototype est présenté au ministre de la guerre.


Le char Saint-Chamond

Plusieurs constats sont faits. Il est mieux armé et offre une meilleure protection que le char Schneider. Il est plus spacieux et permet une meilleure visibilité. Cependant, ses qualités tout terrain sont plus mauvaises, son nez très long s'enfonce facilement dans les reliefs du terrain. Malgré cela, une commande est passée pour 400 exemplaires.

 

En 1917, le général français Nivelle, prévoit une offensive au Chemin des Dames, sur le front de la Somme, en Picardie. C'est l'occasion tant attendu pour utiliser pour la première fois, le char Schneider. L'offensive est fixée au 16 avril.
Quelques jours avant le jour J, les engins sont rassemblés au sud-ouest du village de Cuiry-les-Chaudardes, proche de la ligne de front.
Le 16, 128 chars divisés en 2 groupes s'élancent aux côtés des fantassins.


Assaut de char Schneider

Dés le début de l'action, plusieurs chars s'enlisent ou tombent en panne. Les autres poursuivent leur progression sous l'artillerie Allemande. Trop peu maniables et trop vulnérables, ils sont nombreux à être touchés avant d'atteindre les tranchées ennemies. Leurs occupants sont brulées vifs.
Le bilan est dramatique, 52 chars ont été touchés par l'artillerie ennemie, dont 35 qui ont pris feu. 21 char sont, soit tombés en panne, soit se sont enlisés et sont restés immobilisés sur le terrain. Sur 720 officiers et hommes d'équipage, 180 ont été tués, blessés ou portés disparus.
Cette attaque se solde donc par un cuisant échec, les chars n'ayant put accomplir que le simple rôle d'accompagner l'infanterie.

Dans les conditions réelles de combat, dont vient d'être engagé le char Schneider, plusieurs défauts sont mis au jour (ou tout du moins, deviennent problématiques) :
- Le blindage ne résiste pas à un certain type de balle allemandes, les balles de type K. Un sur-blindage composé de plaque de 40 mm est donc appliqué par-dessus l'original.
- L'habitacle s'avère peu ventilé et le champ de vision restreint. Se qui rend le char difficile à manœuvrer.
- Les réservoirs à essence placé à l'intérieur de l'habitacle sont très dangereux. C'est en majorité pour cette raison que tant de chars ont prix feu durant l'attaque. Ils sont déplacés à l'extérieur, à l'arrière du char. De plus, une porte d'évacuation est ajoutée sur le côté gauche.
Pour les 70 chars encore en usine, ces améliorations sont réalisées sur la chaine de montage. Pour les chars déjà en service, le travail se fait dans les dépôts. Ces opérations s'achèvent en juillet 1917.

 

Le 5 et 6 mai 1917, c'est au tour du char Saint-Chamond de passé sont baptême du feu. 4 unités de 4 chars Saint-Chamond participent à l'attaque du moulin de Laffaux, dans l'Aisne. Cette action s'inscrit dans l'offensive du général Nivelle au Chemin des Dames.
Leur mission est double, accompagner les fantassins, qui cette fois ci, ont reçu un entrainement sur le combat avec chars, puis, nettoyer un point fortifié du plateau de Laffaux. La tache est ardue car le terrain ne se prête pas à la manouvre de blindés : Bordé d'un côté d'une pente abrupte, et de l'autre, d'un bois assez dense, l'espace praticable ne fait qu'un kilomètre de large environ. Cependant, les positions de départ ont été choisies de sorte à ce que les chars aient le moins de distance à parcourir pour atteindre les postions ennemies.
L'opération se déroule de manière assez satisfaisante puisque le plateau parvient à être pris en quelques heures. Néanmoins, les chars montrent de nouveaux leurs faiblesses. Bien qu'ils participent pleinement au succès de l'opération, par les tirs de leur canon de 75 mm, 15 sur 16 finissent par s'embourber devant les tranchées Allemandes.

Comme pour le char Scheinder, plusieurs défauts sont mis au jour :
- Il est constaté que les chenilles sont trop étroites et cela abaisse le nez de l'appareil. C'est en partie pour cette raison que l'avant, très lourde, s'enfonce facilement dans les reliefs du terrain. Cela rend également le char très difficile à conduire et très instable, allant jusqu'à donner le mal de mer à l'équipage. Pour résoudre ces problèmes, les patins des chenilles sont élargis de 326 à 500 mm, et le nez est rehaussé. Cette modification améliore au passage la visibilité du pilote.
- Le toit plat a le défaut de retenir les grenades à manche que les Allemands lancent sur le char. Il est donc incliné afin que les grenades roulent et retombent.
- Le canon de 75 mm long est remplacé par un canon de 75 mm modèle 1897 plus performant. Ce dernier tire un obus shrapnel de 7,2 kg à une vitesse de 539 m/s et à une distance de 6850 m. Un équipage bien entrainé peut tirer 30 obus par minutes.
- La direction électrique chauffe assez rapidement, et le char peu tomber en panne. Des améliorations y sont apportées.

 

Durant le premier semestre de l'année 1917, les Anglais qui ont suivi les offensives françaises au Chemin des Dames, reprennent confiance en leur char Mark 1. Ces derniers engagements ont mis en évidence un fait simple, plus les chars sont employés massivement, plus les percés sont efficaces et moins l'infanterie subit de pertes.
Les Britanniques se lancent donc dans une série de modifications de leur char afin de les rendre plus performants : Un nouveau blindage plus épais est appliqué, formé de plaques de 14 mm au lieu de 12 mm. Il résiste mieux aux derniers projectiles allemands ; Le réservoir d'essence blindé est placé à l'extérieur ; Le confort est amélioré avec de nouveaux appareillages, une meilleure aération, l'ajout d'emplacements pour des caisses de rations et d'eau potable.
Toutes ces modifications donnent successivement naissance aux chars " Tank Mark 2 ", " Tank Mark 3 " puis " Tank Mark 4 ", ce dernier étant disponible dés le mois de mai 1917.
Par ailleurs, quelques chars Mark 4 sont convertis en chars radio avec de puissants appareils de transmissions, et d'autres sont désarmés et transformés en chars de ravitaillement.


Le char Mark 4

En juin, le général Haig prépare une grande offensive dans les Flandres. Il prévoit d'engager 75 Tank Mark 4 dans l'attaque du village de Messines, au sud d'Ypres. Leur mission est de soutenir l'infanterie en nettoyant les nids de mitrailleuses. L'attaque est prévue pour le 7 juin 1917.
Le 6 juin, les chars qui doivent participer à l'attaque prennent leur position de départ. Le 7 juin, à 7 h du matin, ils s'élancent sur le no man's land. Réduisant au silence la plupart des mitrailleuses qui n'ont pas été détruites pendant le tir de préparation, ils permettent aux fantassins de progresser rapidement. En 2 heures seulement, les premières et les secondes lignes allemandes sont atteintes. A 15 h, le village de Messines est repris.
Durant cette attaque, la coordination entre l'infanterie et les chars a été parfaite. Même les quelques chars qui se sont embourbés durant la progression, ont put poursuivit leurs tirs et ont fourni un point d'appui très utile aux fantassins.

Les chars britanniques ont donc enfin prouvé que leur rôle, lors des attaques, pouvait être très important, et même décisif. En Angleterre et en France, ce succès redonne espoir aux officiers les plus fervents de cette arme, tel que le général Jean-Baptiste Eugène Estienne en France. Ils "remontent aux créneaux" et réclament à leur quartier général que les chars soient employés massivement lorsque les attaques se déroulent sur des terrains relativement plats. Ils demandent également que l'on donne aux blindés un rôle plus important que le simple soutien à l'infanterie.

Du côté français, leur vœu est exaucé le 23 octobre 1917, lors de l'attaque du plateau de Malmaison, à l'est du moulin de Laffaux, dans l'Aisne. 30 chars Scheinder et 38 chars Saint-Chamont sont missionnés pour participer à l'opération. Ils doivent progresser sur un front de 12 km de large, entre Ostel et Vauxaillon, soutenir l'infanterie, puis prendre le fort de Malmaison.
Après une intense préparation d'artillerie qui dure 6 jours, les fantassins et les blindés s'élancent à 5h15 du matin. En 1h15, les tranchées allemandes de première ligne sont prises avec de nombreux prisonniers. L'effet de surprise a été total, ce qui a engendré une baisse de moral chez l'adversaire.


Vue aérienne d'un assaut de char Scheinder

Le lendemain, à 6 h du matin, aux côtés du 4e Zouaves, du 75e R.I. et du 17e B.C.P., les chars Scheinder s'emparent du fort de Malmaison, des ravins de Fruty et de Vaudesson et atteignent le plateau de Chavignon.

Le 25, Le 14e corps d'armée soutenus par les Saint-Chamond reprend les villages de Pinon, de Pargny et de Chavignon et Les Bruyères.


Un char Saint-Chamond dans un village reconquis

Dépassés par les événements, les Allemands préfèrent abandonner les positions qu'ils tiennent encore sur le plateau du chemin des Dames.

Cette victoire a un effet retentissant pour l'opinons public français, car elle représente la première grande victoire depuis le début de l'offensive du Chemin des Dames, symbole des massacres de l'année 1917. De faite, elle retourne l'opinons en faveur des blindées. De nouveaux crédits sont accordés pour en particulier, en France, concevoir un nouveau type de char plus léger et plus maniable, le char Renault FT17.

 

Du côté britanniques, une offensive est prévue en novembre 1917 sur Cambrai, dans le Nord-Pas-de-Calais. Elle est parfaite pour une attaque de blindés car le sol crayeux est dur et relativement plat. Il est donc indispensable que les chars y participent en grand nombre.
L'objectif est vaste : réaliser une percé dans les lignes allemandes par une attaque concentrée entre le canal du Nord et le canal de Saint-Quentin, soit un front de 8 km de large ; progresser vers la ville de Cambrai, l'encercler et la reprendre ; gravir la crête de Bourlon ; et avancer au nord-est sur la ville de Valencienne.
Le premier jour, plus de 350 chars de combat Marck IV doivent prendre part à l'attaque. Ils doivent être rejoints les jours suivants par 476 chars supplémentaires. Ils ont été équipés tout spécialement de grappins pour sectionner les réseaux de fil de fer et de gros fagots de bois pour combler les tranchées et les passer plus facilement. Ils seront accompagnés de 19 divisions d'infanterie et de 14 escadrilles d'aviation.
Le 20 novembre, à 6 h 20, les chars s'élancent, suivit des fantassins. Contrairement à toutes les autres attaques, il n'y a pas eu de préparation d'artillerie afin que l'effet de surprise soit complet, et que le terrain ne soit pas trop accidenté par les trous d'obus.
La progression est assez rapide et la ligne allemande parvient à être percée en plusieurs endroits, sur une profondeur de 9 à 12 km. A la fin de la première journée, le bilan est assez concluant. Bien qu'un certain nombre de char aient eu des pannes mécaniques, que d'autres se soient enlisés, et que d'autres furent détruits par les mortiers allemands, dans l'ensemble, un bon pourcentage de chars sont encore en état de combattre.

Les jours suivants, les chars de réserve entrent dans la bataille, qui se concentre à présent autour de la crête de Bourlon, à l'ouest de Cambrai. Cependant, les Allemands parviennent à injecter dans la bataille de nombreux renforts et à contre-attaquer avec force. Jours après jours, les soldats britanniques, à bout de force, se replient vers leurs lignes de départ. Les chars, qui n'ont plus les ressources nécessaires en carburant et en munitions pour poursuivre le combat, doivent être abandonnés. Le 7 décembre, les Anglais sont revenus à leur point de départ, à l'exception d'une petite zone autour d'Havrincourt, de Ribécourt et de Flesquières.
C'est un nouvel échec pour l'armée britannique, mais la prestation des chars de combat a de nouveau démontrée la puissance qu'ils pouvaient avoir s'ils étaient convenablement utilisés.


Char Mark 4

 

En Allemagne, la commission en charge d'étudier la création d'un char d'assaut depuis novembre 1916, est enfin en mesure de présenter un projet. Le prototype en question se nomme A7V. Une démonstration est réalisée au Kaiser Guillaume II le 19 juin 1917. Ce dernier valide le projet et passe commande pour une centaine d'exemplaires.
Le char A7V est un mastodonte de 18 tonnes, longueur = 7 m 35, largeur = 3 m 06, hauteur = 3 m 35. Cette forteresse montée sur chenille est armée sur l'avant, d'un canon de 57 mm avec 300 à 400 obus à bord, pouvant tirer à 6400 m, et de 6 mitrailleuses MG80 avec 40 à 60 caisses de bandes contenant chacune 250 cartouches, soit 10 000 et 15 000 coups. Le char est équipé de 2 moteurs Daimler-Benz 4 cylindres en ligne de 100 chevaux chacun, lui permettant d'atteindre la vitesse de 16 km/h. Son blindage est constitué de plaques de métal allant de 16 à 30 mm. Son équipage est constitué de 18 hommes, le commandant, le pilote, le tireur et le chargeur du canon avant, les 12 mitrailleurs et les 2 mécaniciens.


Le char A7V

La production débute mais dors et déjà, les généraux Allemands savent qu'elle sera longue et que le premier char A7V ne sera pas disponible avant plusieurs mois. Par ailleurs, la bataille de Cambrai a permis à l'Allemagne de capturer de nombreux char britanniques Mark IV abandonnés sur le terrain. Ils sont acheminés vers l'arrière est une grande opération de remise en état est entreprise.

 

En France, depuis juin, fort de nouveaux crédits accordés au secteur des blindés, les recherches ont repris sur la conception d'un nouveau char. Le but étant de venir compléter la gamme des chars Scheinder et Saint-Chamond.
Le général Jean-Baptiste Eugène Estienne, qui porte à bout de bras le projet des chars français depuis le début de la guerre, a acquis une certitude, il faut que le char soit petit et léger pour répondre au mieux aux contraintes du terrain. Par ailleurs, un véhicule plus petit est moins couteux à produire et l'on peut par conséquent, en produire un plus grand nombre.
Il prend contact avec l'industriel automobile Louis Renault, et conçoivent ensemble, dans les usines Renault de Billancourt, le premier blindé légé français, le char Renault FT-17.
En juillet 1917, un prototype est achevé. Ce petit char est révolutionnaire par sa conception. Il est notamment muni d'une tourelle pouvant pivoter à 360°. Ce système de tourelle sera utilisé sur la plupart des chars jusqu'à nos jours.
Ses caractéristiques sont : longueur = 4 m 95, largeur = 1 m 73, hauteur = 2 m 13, Poids = 4 tonnes. Son blindage est composé de plaques allant de 6 mm à 22 mm. Son armement est de 2 types, un modèle avec une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm et un modèle avec un canon de 37 mm SA18. Il est équipé d'un moteur essence Renault 4 cylindres de 40 chevaux pouvant lui permettre d'atteindre la vitesse de 12 km/h. Son autonomie est de 35 km. Son équipage n'est composé que de 2 hommes, le commandant/tireur et le pilote.


Le char Renault FT-17

Comme tous les autres chars qui existent à cette époque, le char Renault FT-17 possède des qualités et des défauts.
Ses qualités sont une grande robustesse et des chenilles très résistantes, un moteur puissant qui est séparé de l'habitacle par une cloison anti-feu, une bonne aération, un faible poids et une tourelle pouvant pivoter sur 360°.
Ses points faibles sont un manque cruel de suspension, qui rend la conduite très rude. Le conducteur doit faire preuve d'une grande agilité dans ses manœuvres, pour qu'en terrain accidenté, il ne soit pas soumis, lui et son commandant, à de violentes secousses. L'étroitesse de l'habitacle venant augmenter le risque de contusions ; Le manque de système de communication entre le pilote et le commandant/tireur. Lorsque le char est en marche, le bruit ambiant interdit tout dialogue, même par cris, entre les 2 hommes. Une parade est donc rapidement instituée entre le pilote, assis dans la partie avant du char, et le tireur, juste derrière lui, debout dans la tourelle. Ainsi, le commandant donne les ordres de changement de direction en appuyant d'un genou, ou de l'autre, sur le dos du conducteur. Il lui signifie un arrêt ou un démarrage en lui tapant sur le casque.

Suite aux tests, le char remporte un franc succès auprès des autorités qui sont séduit par le faible coût de production. Une première commande est passée pour 1000 exemplaires. Elle est rapidement portée à 1150, dérivée en 2 modèles, 650 chars avec canon de 37 mm et 500 chars avec mitrailleuse.
Louis Renault se lance alors dans un gigantesque plan de production s'il veut honorer la commande dans les temps. Dans les mois qui suivent, il ne cesse de réclamer au ministre de l'armement, les matières premières et la main d'œuvre qualifiée, nécessaires à la fabrication. Cependant, les livraisons des plaques d'acier se font lentes et seulement 84 chars sortent des usines Renault entre août et décembre 1917.

Par ailleurs, le char Renault FT-17 a été examiné par les pays alliés, et il suscite beaucoup d'intérêt en Amérique et en Italie. Une licence est délivrée aux Etats-Unis au début de l'année 1918, pour la fabrication de 4800 exemplaires, dont 3600 pour l'armée américaine et 1200 pour l'armée française. En Italie, il est produit à 3000 exemplaires par Fiat dans une version " améliorée ". Cependant, l'armée Italienne ne le percevra pas avant le début de l'année 1920.

Le premier engagement du char Renault FT-17 a lieu le 31 mai 1918 entre Betheny et Neuville, au nord de Reins. 5 chars viennent renforcer le 33e et le 53e régiment d'infanterie coloniale, et la 2e division Américaine. Grâce à leur concours, les Allemands sont repoussés de l'autres côté de la Marnes.
A la fin de l'attaque, les 5 chars sont hors de combat, 2 chars ont été touchés par un obus, 2 chars se sont renversés et le dernier est tombé en panne. Néanmoins, ils ont apportés une grande aide aux fantassins en progressant à leurs côtés sur une grande distance, et en nettoyant le terrain au fur et à mesure, avec leur mitrailleuse.

 

Dans les jours qui suivent l'attaque, les Allemands entreprennent une mission de récupération et parviennent à ramener dans leur camp 2 des 5 chars Renault. Ils ont donc pour la première fois en leur possession 2 exemplaires de ce nouveau char. Les 2 blindés sont aussitôt envoyés vers l'arrière pour les étudier.
De plus, les Allemands sont enfin prêts à engager au front, une unité de 5 chars A7V ainsi que quelques chars Mark IV capturés aux Britanniques en novembre 1917 et remis en état.
Le premier engagement du char A7V a eu lieu le 21 mars 1918. 5 blindés attaquent le village d'Urivilliers, près de Saint-Quentin, au sud d'Arras. Lors de cette offensive, 63 divisions allemandes s'élancent sur un front de 80 km. A la fin des combats, les 5 chars sont toujours en état de marche mais ils ont montré leurs faiblesses : très peu maniable en terrain accidenté à cause d'un faible dégagement par rapport au sol et un centre de gravité trop haut, beaucoup trop lourd... Cependant, le char est très robuste.


2 chars A7V en pleine attaque

 

Le 18 juillet, l'offensive franco-britannique de Villers-Cotterêts, dans l'Aisne, est la première attaque ou les chars Renault sont employés massivement. 3 bataillons de chars Renault (soit 300 chars), ainsi que 5 groupements de chars scheinder et 2 groupements de chars Saint-Chamond, soit 470 chars, doivent soutenir les 11 divisions britanniques, les troupes d'assauts américaines, la première armée française et une aviation forte de 600 appareils. Le front d'attaque fait 55 km de large. Il est défendu par 8 divisions allemandes.
Le 18 juillet, à 4 h 30, les chars Renault s'élancent face aux tranchées ennemies, précédent les troupes à pieds. A leur approche, de nombreux soldats Allemandes se rendent sans combattre. Aux autres endroits, la résistance est écrasée.

A midi, les villages de Dammard, Belleau, Troesnes, Villers-Hélon, Chaudun et Vierzy sont reconquis.
Le soir, c'est plus de 17 000 prisonniers allemands qui ont été fait. Un record pour une seule journée de combat.
Le lendemain et les jours suivants, la ruée continue selon le même schéma. Le 28 juillet, après 10 jours de combat, le succès est total. Bien qu'environ 50% des chars ayant pris part à l'attaque ai été mis hors de combat, l'armée allemande a été rejetée à 15 km en arrière. Le char d'assaut est devenu l'arme maitresse, et l'on ne conçoit plus une percée sans lui.

De aout à novembre, dans la Somme et au chemin des Dames, les offensives de l'entente se poursuivent avec l'emploie massif des chars de combats, atteignant le nombre de 2000 chars en ligne en novembre :
- Le char Renault FT-17 pour les Français et les Américains ;

- Le tout nouveau char Mark V pour les Britanniques et les Canadiens. Ce char est un char Mark IV amélioré. Il est plus puissant, avec une boite de vitesse et une direction améliorée Il est doté d'une tourelle plus longue et de portes de flancs. Il est allongé de 1 m 80 pour faciliter plus encore le franchissement des tranchées.


Le char Mark
5

A chacune de ses offensives, les Allemands battent en retraite.

 

Durant ces mois, les Allemands emploient eux aussi à plusieurs reprises des chars A7V et des chars Mark 1, mais les pertes sont importantes car ils ne sont plus du tout adaptés aux blindés que leur opposent leurs adversaires. De plus, ces pertes sont augmentées par le fait que certains char A7V ont put être capturés par les Français, qui connaissent désormais leurs points faibles.
Un représentant de l'état-major Allemand dira à propos des derniers mois de guerre : " Il n'y avait plus de possibilité de vaincre l'ennemi par suite de l'apparition sur les champs de bataille, d'un facteur décisif : le char d'assaut".

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Chars Mark 1 restaurés par les Allemands et détruits en octobre 1918

 

A la fin de la guerre, en octobre 1918, comme s'il n'était pas conscient de leur défaite proche, les Allemands conçoivent un nouveau char dérivé du mark IV britannique, le char A7V/U. C'est là encore un mastodonte de 40 tonnes, équipé de 2 canons de 57 mm et de 4 à 6 mitrailleuses. Il possède 2 moteurs Daimler développant 210 chevaux chacun, un blindage de plaque de 3 cm d'épaisseur et un équipage de 7 hommes. 20 exemplaires sont commandés mais un seul pourra être produit avant l'armistice. Il ne sera jamais employé. De par sa conception déjà dépassée, ce char était voué à l'échec.


Le char A7V/U

 

Parallèlement, et pour être complet, la production d'automitrailleuses blindées ne cesse pas durant les 3 dernières années de guerre, d'autant plus que la guerre de mouvement reprend à partir de 1918. Il faut donc un grand nombre de véhicules légers et blindés afin d'assurer toutes les missions a l'arrière du front, sécurisations de secteurs, tirs de DCA, transports de généraux ou transports diverses...
Parmi les plus représentatives des années 1916, 1917 et 1918 :
- Un prototype d'automitrailleuse Dion Bouton 1916. Ce véhicule de 7 tonnes peu atteindre la vitesse de 45 km/h. Il est surmonté d'une tourelle armée sur sa partie avant, d'une mitrailleuse Hotchkiss, et sur sa partie arrière, d'un canon de 37 mm. Cependant, il n'est pas adopté et jamais produit.

- Une automitrailleuse Latil 1916. Elle est montée à partir d'un châssis de tracteur et armée d'une mitrailleuse Hotchkiss.

- Une automitrailleuse White 1918, sans doute la plus aboutie des véhicules de genre créés durant la guerre. Elle est montée à partir d'un châssis de camion. Ses caractéristiques sont : longueur = 5 m 60, largeur = 2 m 10, hauteur = 2 m 75, poids = 6 tonnes. Elle est armée d'un canon de 37 mm SA18 et d'une mitrailleuse de 8 mm. Son moteur 4 cylindres de 35 chevaux lui permet d'atteindre la vitesse de 45 km/h. Son blindage est composé de plaque de 8 mm. Son équipage est de 4 hommes. Après la guerre, elle continuera à servir jusqu'en 1933 en métropole, et jusqu'en 1941 dans les territoires d'outre-mer.

 

Durant les derniers combats de la guerre, les chars français et britanniques jouent un rôle décisif dans l'issu du conflit, le char Renault FT-17 étant considéré de manière incontestable, comme le char de la victoire. Il représente également en France, le symbole de la victoire industrielle et de l'effort de guerre, pour ce pays qui, dés 1914, avait été amputé d'une grande partie de ses ressources minières et sidérurgiques.


Le défilé de la victoire à Paris

Du début à la fin de la guerre, la France produit 4 146 chars contre 2 542 pour la Grande Bretagne.
Le char Scheinder et le char Saint-Chamond sont construit tout 2 à 450 exemplaire environ, ils participent tout 2 à 1 064 engagements et 308 sont détruits. Le char Renault FT-17 est produit à 3 187 exemplaires, il participe à 3 292 engagements et 440 sont détruits.
Les pertes humaines en France atteignent 102 officiers, 145 sous-officiers, 656 brigadiers et canonniers.

Les Allemands, qui ont toujours été à la pointe de la technologie durant toute la guerre, n'ont jamais cru à l'efficacité des chars de combat. Lorsque l'erreur est constatée, il est trop tard pour espérer rattraper le niveau des Français et des Britanniques. Seul 20 chars A7V sont produits en 1918.
Après la guerre, une poignée d'ingénieurs Allemands vont accentuer leurs recherches sur les chars blindés, si bien que lorsque qu'éclatera la seconde guerre mondiale, la tendance se sera inversée. Les chars allemands écraseront l'armée française dans la bataille des Ardennes et par la même, offriront sa vengeance à l'Armée allemande.