Le champ de bataille et le bombardement Le champ de bataille... Témoignage du soldat Paul MUENIER : "
Verdun, c'est l'enfer, ça ne se raconte pas, ça se vit. Journée du 1er mai 1916, lutte pour le ravin de la Dame. Témoignage du soldat LECUELLE du 170e R.I. : " Rien que des troncs calcinés, des fils de fer déchiquetés, des trous, des débris informes. Des geysers de terre jaillissaient de tous côtés, mêlés à une fumée jaune verdâtre et traversée de langues de flammes livides. Une odeur de cadavres, de sang, de poudre, de gaz, nous écurait et nous suffoquait. "
Journée du 22 avril 1916, lutte pour le Mort-Homme. Témoignage du soldat Louis CORTI du 30e R.I. : "Il
a plu et la boue a envahi tout le secteur. Cherchant un abri, un homme
s'est jeté dans le boyau, et la boue est aussitôt montée
jusqu'à sa ceinture.
Témoignage du soldat Jules GROSJEAN : "
Je crois n'avoir jamais été aussi sale. Ce n'est pas ici
une boue liquide, comme dans l'Argonne. C'est une boue de glaise épaisse
et collante dont il est presque impossible de se débarrasser, les
hommes se brossent avec des étrilles. Par ces temps de pluie, les
terres des tranchées, bouleversées par les obus, s'écroulent
un peu partout, et mettent au jour des cadavres, dont rien, hélas,
si ce n'est l'odeur, n'indiquait la présence. Partout des ossements
et des crânes. Pardonnez-moi de vous donner ces détails macabres
; ils sont encore loin de la réalité. " Témoignage de Robert PERREAU, caporal au 203e R.I. : "
Habilement endiguée par l'ennemi et dirigée vers nos lignes,
l'eau a envahi bientôt notre tranchée. Grossi par les pluies,
le fleuve s'insinue entre nos remparts de terre et mine nos parapets qui
s'effondrent. La tranchée n'est plus maintenant qu'une mare de
boue d'où monte une odeur intolérable.
Journée du 4 octobre 1916, grands projets d'attaque du Commandement français. Témoignage du colonel DESPIERRES, du 239e R.I. : "
Je vais faire la tournée du secteur en suivant la première
ligne. Je ressens une impression inimaginable ; des deux côtés,
boche et français, les tranchées sont envahies par l'eau.
Il y a une profondeur de près d'un mètre. C'est dire que
ces tranchées ne peuvent plus être occupées par les
éléments de première ligne. Tout le monde est sur
le parapet. Les Boches à dix mètres nous regardent avec
indifférence. C'est une véritable trêve qui paraît
être conclue entre les deux partis. On ne cherche qu'une seule chose,
c'est vivre comme on peut et surtout échapper à cette humidité
croissante qui, par les froids qui commencent, devient impossible à
supporter. " Témoignage de Lucien JOURDAN, sergent au 48e R.I. : "
Je mets la tête hors du boyau pour essayer de reconnaître
les morts qui sont étendus là. Seul, car tout le monde est
terré, je suis épouvanté devant ce gigantesque charnier
et suffoqué par l'odeur qui s'en dégage.
Le bombardement... Témoignage du général NAYRAL De BOURGON : " L'émotion inévitable sous le feu produit chez beaucoup une stupeur où disparaît l'intelligence, où la vue même s'obscurcit par la dilatation des pupilles ; les traits du visage se contractent, les yeux deviennent hagards, l'homme agit par réflexes au milieu d'une sorte de brouillard psychique et même physique où il perd conscience de lui-même " Journée du 25 février 1916, prise du fort de Douaumont par les Allemands. Témoignage de J.-P., lieutenant au 95e R.I. : "
Le bombardement dans les journées du 25 et du 26 février,
a atteint une violence qui a dépassé peut-être celle
des plus mauvais jours. Le front d'attaque s'était, en effet, rétréci
; toute la force de l'artillerie ennemie pouvait se porter sur l'obstacle
restreint dont elle voulait triompher : le fort de Douaumont d'abord,
puis le village de Douaumont.
Témoignage de Frédéric GERMAIN, caporal au 146e R.I. : "
Combien de temps dura ce bombardement en bas de la côte du Poivre
? Pour moi, il dura des années. Nous étions isolés
; plus de liaison ni de ravitaillement puisque tout autour de nous était
bouleversé, la terre retournée, les arbres pulvérisés. Journée du 6 mars 1916, attaque allemande sur les deux rives. Témoignage de Léon GESTAS, sergent au 70e R.I.T. : "
Au bois des Corbeaux, au début de mars, ça tombait de tous
les côtés, on était tué sans même savoir
d'où le coup était parti. Le bruit avait couru parmi nos
hommes que le bombardement allemand durerait 100 heures et tous attendaient,
avec une impatience mêlée d'anxiété, la fin
de ces 100 heures. Mais les 100 heures passèrent et le bombardement,
loin de diminuer, continuait toujours. Il devait continuer toute l'année.
" Journée du 10 mai 1916, lutte pour le Mort-Homme. Témoignage du lieutenant ARMEILLA du 17e D.I. : " Les Boches viennent de déclencher une attaque sur la cote 304 et le Mort-Homme. Je n'ai jamais vu pareille avalanche de projectiles ; la fumée s'élève à des hauteurs incalculables et forme un rideau tellement épais que le soleil ne le traverse pas. "
Journée du 25 février 1916, prise du fort de Douaumont par les Allemands. Témoignage de l'aspirant BOURDILLAT, sous-lieutenant au 2e B.C.P : "
D'une minute à l'autre, dans notre tranchée, le déluge
de fer s'accentue. Les arbres sont fauchés, la terre vole de toutes
parts. Une âcre fumée prend à la gorge. A chaque rafale
qui passe, le corps se resserre, les nerfs se contractent, et la respiration
se fait plus courte, plus saccadée
A côté de
moi, le lieutenant Fleury se lève : "Bourdillat me dit-il,
je vais voir ce qui se passe ; j'ai tellement les nerfs à bout
que je préfère remuer. "C'est d'une imprudence inouïe
!
"Ne quittez pas votre trou, mon lieutenant, lui dis-je, les
obus nous rasent de si près que c'est folie. " "Tant
pis, me répond-il, je préfère marcher un peu
"
Il est à peine sur le rebord de la tranchée qu'un éclat
d'obus lui arrache la tête
Je regarde stupidement le morceau
de mâchoire inférieure qui reste seul attaché au corps,
tandis que son cou béant déverse dans la tranchée
un mélange de sang, de moelle
C'est quelque chose d'affreux
" Juin 1916, prise du fort de Vaux par les Allemands. Témoignage du soldat Jules SERGENT : "
En ces terribles jours de juin, l'artillerie ennemie répondait
coup pour coup à la nôtre et envoyait des 210, comme nous
nous envoyons des 75. Ce fut le plus formidable duel d'artillerie que
j'ai pu voir.
Journées du 12 au 16 août 1916, nouvelle attaque allemande sur le fort de Souville. Témoignage de Marcel PIC, soldat au 143e R.I. : (Pour les journées du 14 et du 15 août, "rien à signaler", du moins dans les documents officiels.) "
Pendant 5 jours et 5 nuits, et surtout le 14 et 15, ce fut un enfer terrible
de bombardement ; nous étions écrasés par les obus.
Personne ne bougeait ; on attendait la mort, avec la soif, la faim, et
10 centimètres d'épaisseur de mouches que nous avions dessus.
Journée du 18 juillet 1916, contre-offensive française pour dégager Souville et reprendre Fleury. Témoignage de Marcel RAINE, soldat au 115e R.I. : " Nous sommes en ligne vers Froideterre. Le pauvre Leduc, un vieux de la classe 1901 ou 1902, se met à errer dans la plaine, complètement fou de peur. Le capitaine a eu pitié de lui. Leduc avait des enfants et il n'a pas voulu le punir, car c'eût été trop grave " Journée du 15 juillet 1916, contre-offensive française pour dégager Souville et reprendre Fleury. Témoignage de G. MARYBRASSE, soldat au 115e R.I. : "
Nous sommes dans une longue tranchée, pleine de morts ; une odeur
affreuse monte de l'immense charnier. Soudain, le barrage boche se déclenche.
Je vois des camarades, les yeux agrandis par l'épouvante, regarder
vers le ciel, frappés de stupeur : Je regarde à mon tour,
et je vois, retombant d'au moins 20 mètres, une pauvre chose inerte,
bras et jambes ballantes, comme un pantin sans articulations qu'on aurait
jeté d'un avion, d'un ballon. C'est un camarade qui a été
soulevé comme une plume par le déplacement d'air d'un obus.
Journée du 10 juillet 1916, lutte autour de l'ouvrage de Thiaumont. Témoignage du commandant, puis colonel ROMAN du 358e R.I. : "
A l'entrée de mon abri, le sol est tellement bouleversé
et broyé qu'il semble une dune de sable mouvementée. A mon
arrivée, un cadavre de fantassin en capote bleue émerge
à demi de ce mélange de terre, de pierres et de débris
innommables. Mais quelques heures après, ce n'est plus le même,
il a disparu et fait place à un tirailleur en kaki. Et successivement
défilent d'autres cadavres et d'autres uniformes. L'obus qui enterre
le précédent en fait apparaître un autre ; on s'habitue
pourtant à cette vision ; on supporte l'odeur épouvantable
de ce charnier dans lequel on vit, mais la joie de vivre, après
la guerre, en sera éternellement empoisonnée. " Journée du 21 février 1916, attaque allemande sur la rive droite. Témoignage du général PASSAGA : "
L'ébranlement produit par le tir d'artillerie allemand est tel
qu'il se propage à plus de 150 kilomètres au sud de Verdun.
Dans les Vosges, près du lac Noir, où se trouve alors mon
poste de commandement, je perçois nettement par le sol de mon abri
un roulement de tambour incessant, ponctué de rapides coups de
grosse caisse. " Journée du 21 juin 1916, lutte pour l'ouvrage de Thiaumont. Témoignage d'Emile HUET, mitrailleur au 54e R.I. : " Le 21 juin, en montant à l'attaque, j'ai vu des choses horribles ; des hommes d'un régiment qui était sur notre gauche, au nombre d'une compagnie environ, se trouvaient dans un bout de tranchée qui avait été épargné. Au moment où nous passions, le bombardement était épouvantable. Le tir de barrage est tombé juste sur cette tranchée et a recouvert tous les hommes qui étaient dedans. On pouvait voir la terre se soulever par l'effort de tous ces malheureux. J'ai toujours cette vision devant les yeux. "
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