Les Poilus…

Les fantassins… Les mitrailleurs… Les artilleurs… Les aviateurs… Les téléphonistes…
Les coureurs (agents de liaisons)… Les sapeurs du génie… Les cuisiniers et le ravitaillement...


Les fantassins...

Journée du 22 février 1916, attaque allemande sur la rive droite. Témoignage d'Alfred LIEVRE, soldat au 165e R.I:

" Que dire des actes d'héroïsme accomplis ! Chacun fait son devoir, mais contre le nombre il n'y avait rien à faire. Jusqu'à 3 heures, la lutte continue, âpre. On se fusille à bout portant et point n'est besoin de faire de grands efforts pour lancer au but les grenades. A 3 heures, il ne reste plus d'officiers ; le lieutenant Haidouin a les deux jambes brisées et est fait prisonnier ; le capitaine Héry, le poignet droit littéralement coupé, est fait prisonnier également, mais il s'échappera dans la nuit après avoir tué deux de ses gardiens et rentrera dans nos lignes guidé par son chien qui ne le quitte jamais.
C'est alors que j'ai vécu des moments les plus tragiques de la guerre. Baïonnette en avant, nous nous élançons à travers l'ennemi pour essayer de gagner la route descendant vers Vacherauville. Je me souviendrai toujours d'un Boche, un gamin (il n'avait certainement pas plus de 18 ans) qui, me voyant bondir, se mit à genoux pour demander grâce. Trop tard, mon arme s'enfonça et je n'oublierai jamais ses yeux hagards qui me fixaient.
Lorsque nous fûmes sortis du bois et qu'abrités par le talus de la route nous empêchions à coups de fusil les Boches de sortir, nous n'étions plus que 14. C'est là que j'ai vu mon camarade Hayon, en tireur émérite, debout sur le talus, faire le coup de feu avec un sang-froid admirable. La rage au cœur (il avait appris peu de temps avant la mort de son frère, adjudant au 94e), il descendait son Boche à chaque coup. "

 

Témoignage de Emile DUVAL, brancardier au 355e R.I. :

"Pour se donner du courage à soi-même, chacun tâche d'encourager les autres. "

Journée du 22 février 1916, attaque allemande sur la rive droite. Témoignage du colonel GRASSET :

" Les ruines d'Haumont changeaient d'aspect à chaque instant ; le village s'effondrait et s'enfonçait dans la terre. Le réduit bétonné s'est écroulé, lui aussi, ensevelissant quatre-vingts hommes, le dépôt de munitions et deux mitrailleuses.
A 15 heures, les éléments des huit compagnies du 362e, terrés dans Haumont, ne présentaient pas un effectif de plus de cinq cents hommes. La plupart des officiers étaient tués, blessés ou avaient disparu, ensevelis sans doute. De tous côtés, parmi le fracas des explosions, des cris déchirants, des plaintes sourdes et des râles sortaient des gravats. Terrassés par la fatigue, privés de sommeil et de nourriture depuis plus de quarante-huit heures, sachant qu'aucun secours ne pourrait leur parvenir, ne disposant, comme munitions, que des cartouches restées dans leurs cartouchières ou dans celles des morts, leurs fusils d'ailleurs tordus ou remplis de terre pour la plupart, les survivants étaient bien, dans ce cataclysme, hors d'état de résister à une attaque sérieuse. Cette attaque se déclencha à 16 heures… "

 

Témoignage du capitaine Paul FLAMANT du 332e R.I. :

" Avant l'attaque, je vois un petit gars, indifférent en apparence, aligner tranquillement des cartouches à portée de sa main et approvisionner son magasin en sifflant la Marseillaise, avec une sorte de ferveur sacrée !… comme d'autres prieraient tout bas pour se donner du courage. "

Témoignage du soldat BOURRICAUD du 323e R.I. :

" Tout le monde fait son devoir ici et c'est peut-être ce qui soutient le mieux les poilus de Verdun : à Verdun, il n'y a pas d'embusqués. "

Nuit du 25 février 1916, prise du fort de Douaumont par les Allemands. Témoignage de J.-P., lieutenant au 95e R.I.

" "Vous devez tenir coûte que coûte, ne reculer à aucun prix et vous faire tuer jusqu'au dernier plutôt que de céder un pouce de terrain. "
"Comme ça, disent les hommes, on est fixé." C'est la deuxième nuit que nous allons passer sans sommeil. En même temps que l'obscurité, le froid tombe. Nos pieds sont des blocs de glace. Encore avons-nous la chance, à la compagnie, que notre tranchée soit à peu près sèche. Des hommes du 1er bataillon occupent, à notre droite, une tranchée étroite où ils ont de l'eau jusqu'à mi-jambes : "L'eau gelait autour de nos jambes, devait me dire plus tard l'un de ces hommes, Giraud, et chaque fois que nous voulions lever le pied, il nous fallait briser une enveloppe de glace. "
Les hommes qui n'ont pas à monter la garde s'assoient dans la tranchée tapissée de boue et y dorment d'un sommeil lourd, la toile de tente rabattue par-dessus la tête.
Je n'ai jamais, je le crois bien, éprouvé l'amertume de la guerre autant que cette nuit-là. La faim, la soif, le froid, l'insomnie, l'incertitude..."

 

Journée du 25 avril 1916, lutte pour le Mort-Homme. Témoignage de Jean MEIGNEN, soldat au 174e R.I. :

" Nous prenons position en avant de la ferme de Thiaumont. Quand le jour se lève, au matin du 25 avril, je ne puis me défendre d'une sensation d'horreur et d'épouvante quand je vois qu'à l'endroit que j'occupais, le parapet est en partie formé de cadavres et que toute la nuit, je me suis appuyé sur des godillots qui émergeaient, en laissant couler une boue infecte, mélange de sang, de pourriture et de terre. "

Témoignage du soldat C. VALLA :

" Ici, la foi qui n'était que tiède chez beaucoup s'est avivée : officiers et soldats jettent leurs regards vers le ciel "

Témoignage de X :

" 14 heures ... Le sergent fait un signe ... En avant ! c'est drôle, je n'ai plus peur. Je me sens l'esprit lucide, le corps dégagé. La minute me paraît soudain d'une tranquillité, d'une douceur singulière. Le silence est si grand que l'on entend une voix chantonner quelque part, dans la plaine. Ma dernière vision est celle d'un champ de coquelicot dont la couleur, écarlate, devant moi, ondule comme une flamme.
Comme le mur ennemi parait éloigné. Un bref sifflement, une balle boche. Puis ce sont sept ou huit boîtes jaunes qui arrivent sur nous, comme des pierres, pas plus vite. Cela ne donne même pas l'impression d'un danger. A l'explosion fracassante seule je me rends compte que ce sont des pétards allemands. Tout se brouille en moi comme autour. Je vois, comme des ombres, mes camarades tombés ou courbés. Ce qui est poignant, c'est ce grand silence qui retombe. En combien de secondes tout cela se passe-t-il ? Je ne sais pas... "

 

Témoignage de R. :

" L'extrême fatigue, le manque prolongé de sommeil, la continuelle tension nerveuse, engendrent quelques cas de folie et de nombreux cas d'exaltation et de demi folie.
Je rends compte à mon lieutenant que nous avons fait un Allemand prisonnier et le lieutenant me répond, en colère : "C'est honteux, vous serez puni." Puis il se met à pleurer et il me demande pardon, disant qu'il n'en pouvait plus de fatigue, qu'il n'avait pas dormi depuis quatre jours.
Quand je dis au sergent que trois hommes de l'escouade sont ensevelis dans l'abri, il répond en riant : "Très bien, très bien, ça vous fera du rab de pinard. " Quand je lui ai répété le lendemain ce qu'il avait dit, il ne voulait pas me croire. "

Témoignage du soldat Eugène POEZEVARA :

" Le 9 à 10 heures du matin, on faisait une attaque terrible où nous y laissons les trois quarts de la compagnie. Il nous est impossible de nous replier sur nos lignes ; nous restons dans l'eau trente-six heures sans pouvoir lever la tête ; dans la nuit du 10 au 11, nous reculons de un kilomètre. On ne pouvait plus tenir sur nos jambes ; j'avais le pied gauche noir comme du charbon et tout le corps tout violet. "


Témoignage de Louis BRAYELLE, soldat au 110e R.I. :

" Par une fin d'après-midi, sous la neige qui tombait, le bombardement cessa enfin. Nous fûmes tirés de notre léthargie par la voix mâle et fière de notre brave chef de peloton qui nous apparut comme un spectre au sortir d'une tombe et nous cria : "Allons, les enfants, debout, les Boches attaquent !"
Electrisés par cet appel, les demi-morts rescapés du bombardement se dressèrent et, utilisant les quelques rares revolvers et mousquetons en état de tirer, firent, en poussant des cris de rage, leur devoir de soldats. Et l'Histoire dit que le Boche ne passa pas.
Quelque temps auparavant, notre colonel était passé rapidement près de nous, couvert de débris, de plâtras, et, nous fixant l'espace d'une seconde, d'un regard émouvant que je n'oublierai jamais, nous avait dit ces simples mots : "Courage, mes enfants !""

 

Journée du 29 août 1916, lutte pour le ravin des Fontaines et de la Carrière. Témoignage de Jules PIE, Sergent au 102e R.I. :

" Tant que nous sommes restés à Fleury, nous avons avancé à la grenade, puis reculé sous les grenades, 10 mètres un jour, 20 mètres un autre, et toujours de même. A plusieurs reprises, les obus m'ont fait faire du vol plané dans les airs. Un jour, j'ai vu un camarade qui a eu tout le dessus du crâne enlevé par une explosion d'obus ; il avait le cerveau à l'air et il n'était pas tué. "

Témoignage du soldat Louis CORTI du 30e R.I. :

" Ce matin, on a donné double ration d'eau de vie. Imagine ce que peut être un assaut à l'arme blanche, ces aciers fins et blancs ou bout des fusils tenus par nos mains crispées. Ce combat est ce que l'on peut demander de pire à nos corps faibles, tremblants. On respire un grand coup avant de plonger dans l'inconnu. J'ai peur de l'inconnu, peur de sortir, peur de me battre.
Avec une sorte d'inquiétude animale, serrés les uns contre les autres, tous se taisent. Nous sommes cinquante empilés dans ce réduit si serrés que nous ne pouvons faire un mouvement. Nos pieds enfoncés dans la terre se gèlent avec elle.
Debout, j'ouvre les yeux et la terrible réalité m'apparaît, nous allons partir à la mort. Nous finissons par marcher dans un demi sommeil, inconsciemment, sans ordres, sans voix et sans pensées, comme des bêtes. Dans cette atmosphère où l'on sent la mort insaisissable, on entend des cris, des ordres venus d'on ne sait où.
Le signal du départ vient d'être donné. Les coups de fusils commencent à claquer, et bientôt, un barrage acéré tombe sur nos unités, se sont des cris et des hurlements d'horreur. Des hommes tombent, cassés en deux dans leurs élans, il faut franchir la plaine balayée par les balles, les cadavres aux membres disloqués, la figure noire, horrible.
Nous arrivons tout près des Boches et un terrible corps à corps s'engage. Les fusils ne peuvent plus nous servir et c'est à l'aide de nos pelles que nous frappons.
On voit un tourbillon d'hommes qu'on ne reconnaît pas, qu'on entend plus. Je saigne du nez et des oreilles, je suis fou, je ne vois même plus le danger, je n'ai plus songe à rien, mon rôle est fini.
Je me vois les reins brisés, étouffant, creusant la terre de mes mains, et là, tout près de moi s'élève, monotone, une plainte d'enfant "j'ai mal, maman, mon dieu je vais mourir".
Que sont-ils devenus mes camarades ? sont-ils partis ? sont-ils morts ? suis-je le seul vivant dans mon trou ?
Devant moi, défile la famille que j'ai laissée au foyer et que peut-être, je ne reverrai plus. Je revois les miens, mon village endormi, mes enfants, et je me dis que tous les rêves que nous avons faits ensemble ne se réaliseront jamais, que je ne les reverrai plus. Et l'angoisse m'étreint profondément. "

 

Journée du 7 juillet 1916, lutte autour de l'ouvrage de Thiaumont. Témoignage de Lucien MARTON, soldat au 370 R.I. :

" Nous collions notre bouche au goulot de notre bidon ; le bidon était vide, mais la fraîcheur du métal nous donnait une seconde d'illusion. "

Journées du 18 au 23 juin 1916, lutte pour l'ouvrage de Thiaumont. Témoignage de Léon BRUNEA, caporal au 67e R.I. :

" Jamais je n'ai tant souffert de la soif que du 18 au 23 juin au bois Fumin. Un jour, les pauvres vieux territoriaux nous apportent un bidon de deux litres de pinard qu'ils remettent au sergent-fourier C… Celui-ci se met à boire avec notre lieutenant E…, sans s'occuper de nous. Je dis entre haut et bas : "Ils ne vont pas nous en laisser, les caches" ; Il faut vous dire que, moi et les copains, on avait bu de notre urine avec un peu de sucre, sucé les racines d'arbres, sucé le jus salé d'une boite de conserves abandonnée sur la parapet par les Boches. Enfin C… me donna un quart de vin, un seul et pas plein jusqu'au bord, que je partageai avec les copains. Quel soulagement, mais on avait le palais brûlé par l'urine. Après l'affaire, je fus proposé avec trois autres pour la croix de guerre, mais le lieutenant biffa mon nom. "

Journée du 7 juillet 1916, lutte autour de l'ouvrage de Thiaumont. Témoignage de Eugène BATTEUX, soldat au 65e R.I. :

" Nous ne pouvions plus résister à la soif. Nous ouvrions des boîtes de sardines pour en boire l'huile."

Témoignage du lieutenant RIOU DU COSQUIER du 142e R.I. :

" J'ai bu de l'eau du fond de la Horgne, et j'ai retiré de ma bouche des morceaux de cervelle humaine qui s'y trouvaient. "

Journée du 1er septembre 1916, lutte pour le ravin des Fontaines et de la Carrière. Témoignage du Capitaine André GUILLAUMIN du 102e R.I. :

" Mon P.C. se composait d'un vague trou dans la boue où nous nous tenions, mon ordonnance et moi, mi-assis, mi-recroquevillés. Le sol était si mou que les obus faisaient fougasse projetant un geyser de boue...
L'un d'eux me frôla, s'enfonça presque à mes pieds, et dans l'éclatement, au milieu d'une auréole de boue, se dressa un officier allemand à demi décomposé, la figure verte dans un uniforme vert. Je vois toujours ce cadavre, face à face avec moi pendant une seconde, puis la masse de boue retomba et il disparut. "

 

Témoignage de Michel TAUPIAC, soldat au 58e R.A.C. :

" Quelquefois je me dis : "Pourvu que tu t'en sortes." Bien souvent : "A quoi bon !" Que je meure ici en pleine force, une lueur de gloire dans les yeux ou que je finisse plus tard bourgeoisement dans un cimetière, qu'importe. La vie n'a jamais été pour moi une chose bien douce et l'avenir me paraît bien noir. Je ne ferai rien pour disparaître, je n'ai pas le sang d'un héros. J'ai même comme un frisson quand la mort me frôle de trop près et, machinalement, je fais ce qu'on appelle son devoir. Je suis un de ces millions d'anonymes qui forment l'instrument pour forger une page sanglante de notre histoire. Cette époque sera bâtie avec beaucoup d'héroïsme, de tristesse et de lâcheté. "

Journée du 1er juin 1916, bataille du fort de Vaux. Témoignage de X :

" Nous ne connaissons plus exactement l'emplacement de l'ennemi ; prenez comme direction l'étoile que vous voyez là-bas ; vous vous arrêterez lorsque l'on tirera sur vous. "

Témoignage de Franck ROY, soldat au 266e R.I. :

" Il y a dans les rangs beaucoup de jeunes des classes 16 et 17, trop jeunes pour supporter de pareilles épreuves. Quand les chefs font leur ronde, il arrive souvent qu'ils trouvent les guetteurs endormis, même quand la neige tombe. Ils sont là, à demi couverts de neige, à demi congestionnés, et dormant cependant à poings fermés. "

Journée du 11 mai 1916, lutte pour le cote 304. Témoignage du caporal MALECOT du 152e R.I. :

" Depuis cinq jours, nous ne mangeons que du singe ; notre estomac proteste. Nous avons faim, nous sommes las, nous avons la fièvre. Dans une compagnie où se trouve une grande majorité de jeunes soldats, le découragement s'installe à la suite de pertes causées par les obus. A bout de forces physiques et morales, un certain nombre de ces jeunes sortent de leurs tranchées pour s'enfuir de ces lieux maudits. Le colonel Oudry, aussitôt avisé, se précipite hors de son P.C., se porte au devant d'eux et, debout sous les éclatements, sans une arme à la main, sans une menace à la bouche, leur parle, les réconforte, et les reconduit, dociles comme des moutons derrière leur berger, à leur tranchée de première ligne. "

 

Attaque du bois des Corbeaux au Mort-Homme. Témoignage de Jean GALLON, sergent au 139e R.I. :

" La confusion était si grande, au cours de ces combats du mois de mai, les deux lignes étaient tellement emmêlées que j'ai vu des Allemands se mettre en position à côté de nous et tirer sur les Allemands qui étaient devant nous en croyant tirer sur les Français. "

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Les mitrailleurs...

Témoignage du caporal-mitrailleur BLAISE du 26e R.I. :

" Arrivée vers le ravin du bois Camard, notre section se porte le 29 mars, avec la 3e compagnie, entre le chemin de Malancourt et le bois de Montfaucon, côte 287. Là, la relève est facile à faire, il n'y a presque rien à relever, et je suis désigné pour couvrir en avant le redan qui va être organisé. A tout hasard, un sergent m'emmène avec juste l'équipe normale et cinq caisses de cartouches vers la sortie du ravin du ruisseau de Forges.
On nous a dit qu'une brigade défaillante avait tenu ce secteur, mais les nombreux cadavres entassés là me laissent croire que cette brigade n'a pas manqué d'excuses.

Cette nuit passe vite et sans incident. Tout le jour suivant, le casque barbouillé de boue, sans gestes rapides, j'observe le terrain. Nous dominons trois lignes allemandes sur les pentes du bois. Les Boches, assis sur leurs parapets, semblent admirer derrière nous le tir de leur artillerie.

La deuxième nuit, vers 9h1/2, ils semblent se mouvoir vers nous. J'alerte mes trois camarades et la pièce braquée, le mousqueton armé, j'attends l'attaque, mais rien. Sans aucun ravitaillement depuis deux jours, rien de chaud au corps, je suis privé d'eau pour ma bouche, non guérie d'une ancienne blessure et qui s'infecte. La dysenterie me prend et il faut avoir vécu des jours entiers, assis ou debout dans un trou humide au milieu d'odeurs épouvantables, pour savoir ce qu'est la vie d'un soldat perdu entre les lignes de Verdun.

A la tombée de la nuit, j'envoie mon chargeur Jacquier au ravitaillement avec ce mot : "1° Malade ; si pas ravitaillé, me relève d'office ; 2° J'observe que les Allemands travaillent tous les soirs de 22 heures à 4 heures, parallèlement au ravin à contre-pente et sur environ 400 mètres de longueur. Signé : Blaise, pièce 3 836. "

A 11 heures, Jacquier revient avec des macaronis froids, de la viande sauce au vin, et, comme boisson, du vin et de l'eau. A 1 heure du matin, je me rends compte que mon mot a déjà porté ; voilà que tout à coup un déluge de 75 et de 105 prend d'enfilade le ravin et même notre secteur. Nous nous jetons dans nos trous et jusqu'au matin nous entendons les blessés allemands qu'on transporte et qui hurlent.

Depuis quatre jours, nous sommes enfouis dans nos trous. Nous utilisons une boîte de sardines pour verser lentement nos excréments en dehors des trous. Je sens ma résistance diminuer, mais je ne songe pas à quitter mes camarades ; du reste, ce n'est pas le moment. A la nuit Jacquier, ce brave qui devait être tué le 7 retourne au redan, et rapporte la soupe ainsi que l'ordre de rentrer avant le jour avec notre matériel. Nous ramassons-le tout sans incident et quittons ce sinistre lieu, chargés comme des mulets, les jambes raides d'inaction. Il fait noir encore ; les trous de toutes grosseurs se touchent, il faut attendre la chute des fusées pour s'aventurer dans ce chaos ; nous mettons une heure pour faire 350 mètres environ et en arrivant devant le réseau, il nous faut crier et jurer pour nous faire reconnaître car nous sommes salués par les rafales de nos mitrailleuses ; la consigne est sans pitié. Arrivé près de la deuxième pièce en position, j'ai à peine posé caisse et paquetage que je suis pris de défaillance. Mon collègue et frère d'armes Boittiaux, chef de la 2e pièce, me ranime avec un peu de mirabelles qu'il sort d'un colis parvenu la veille à mon adresse, puis, allongé dans mon petit abri, j'éprouve un grand soulagement pour mes pauvres jambes quatre jours repliées.

Nous sommes le 5 avril. A 9 heures du matin, commence le terrible pilonnage ; sans arrêt, jusqu'au 7, à 5 heures du soir, ce sera un volcan de terre et de feu qui s'abattra sur les occupants, réduits à environ 40 hommes sur 200. Durant ce déluge, rampant à gauche, à droite, et parfois bien en avant des fils de fer détruits, j'ai pu déterrer, trop tard souvent, des camarades meurtris et même étouffés sous le parapet. A mon tour, je suis enterré et déterré par les camarades.

Le 7, toujours même vie affreuse. Je vais en avant à plus de 200 mètres à travers la boue, pétrie par endroits de chair verdâtre. J'écume de la bouche comme un chien. Vers 17 heures, tout à coup, le pilonnage se porte sur nos derrières et dans l'immense soulagement que procure cette surprise et aux cris de "les Boches !" tous ces hommes, vrais démons, se jettent sur le reste des parapets, prêts au dernier sacrifice. Il n'y a plus de pensées pour personne. A 200 mètres, les Boches, en colonnes pressées, avancent en suivant les replis du terrain. Ma pièce est détruite, celle de gauche crache ; les grenades sont avancées par le lieutenant Sauvageot ; le capitaine Bernage, blessé, un fusil en main, hurle et outrage l'ennemi. Les hommes en font autant. Saisis par une semblable résistance, leur première vague et leurs lance-flammes abattus, les Boches hésitent et garnissent les trous. Cependant, ils ont des chefs de valeur car, à trois reprises différentes, peu suivis des hommes, plusieurs de ces chefs se font abattre à bout portant.

Vers 17h30, sur la droite, les Boches progressent et nous organisons un barrage de sacs et de matériaux. C'est là qu'une énorme explosion me laisse sans connaissance, à moitié enterré, près de mon brave Jacquier, tué. A gauche, Boittiaux, chef de la 2e pièce, ayant eu deux tireurs hors de combat, avait sauté sur la pièce pour la servir, mais avait été tué d'une balle en pleine tête. Je revois encore ce brave petit gars du Nord tombé à la renverse, le casque plein de cervelle. Je voudrais que les siens à Lille sachent comment il est mort et quelle affection nous avions l'un pour l'autre, nous les deux chefs de pièces, tous les deux gueules cassées car, comme moi, il avait une forte balafre par balle à la joue droite.

Amené au P.C. du bois Camard, je pars au petit jour, en me traînant, en direction d'Esnes. Je fus évacué sur Château-Chinon, à l'air pur et calme du Morvan, du sang plein les yeux, les reins malades, la face blême, les cheveux blancs. Je me remis au bout d'un mois de soins et revins à mon dépôt, à Mâcon, mais je garde toujours des traces d'irritabilité, et, à quarante ans, je suis un vieillard. "

 

Journée du 22 mai 1916, grande offensive française pour reprendre le fort de Douaumont. Témoignage de G. DAULNE, caporal au 36e R.I.

" Aucun Boche ne pouvait la franchir ; tous s'entassaient les uns sur les autres. Cette mitrailleuse était tenue par un petit gars de la classe 1916 ; il n'en ratait pas un, mais, à la fin, il était tellement fatigué qu'il pleurait en tirant. Nous l'avons fait relever pour qu'il se repose un peu, mais son remplaçant les loupait tous, aussi nous l'avons supplié de revenir et revenu aussitôt il a continué sa destruction macabre. "

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Les artilleurs...

Journée du 22 octobre 1916, grand projet d'attaque du Commandement français, deux jours avant la reprise du fort de Douaumont par les Français. Témoignage du général PASSADA :

" On aura une idée de la masse de fer qui bouleversa le champ de bataille, quand on saura que, dans le secteur de Verdun, l'artillerie française, à elle seule, avait tiré, au cours des sept premiers mois de la bataille, vingt-trois millions de projectiles de tous calibres. Chaque jour, une moyenne de cent mille projectiles français avaient labouré le champ de bataille ; les jours d'attaque, ce chiffre avait été doublé (c'est ainsi que le 24 octobre 1916, nous devions tirer 240 000 projectiles). "

Journée du 7 juillet 1916, lutte autour de l'ouvrage de Thiaumont. Historique du 25e R.AC. :

" Le 7 juillet, le régiment est relevé. Il a tiré 180.000 coups de canon en 17 jours ; certaines batteries ont tiré 1300 coups par pièce et en 24 heures. 30 canons sur 36 ont été plus ou moins abîmés par le tir ou le feu de l'ennemi. "

Témoignage de Gaston LEFEBVRE, soldat au 73e R.I. :

" Derrière le moindre talus ou le plus petit bosquet, des batteries de 75 ou de 155 court tirent sans arrêt, parfois jusqu'à l'éclatement des pièces, sans autre abri que leur canon, nos artilleurs subissent un feu d'enfer et sont devenus nos égaux dans le sacrifice suprême. "

 

Témoignage de A. ROUSSEAU, soldat au 78e R.I. :

" A Vaux, sous les obus. Pour nous donner du courage, nous regardons dans le bois, à côté, une batterie d'artillerie à découvert, qui tire à toute volée et dont les hommes qui ne peuvent avoir notre mobilité, attendent en accomplissant leur devoir, la mort sur place. "

Témoignage de René DOZIERE, maréchal des logis au 60e R.A.C. :

" Au cours d'un bombardement, j'ai vu les servants d'une pièce de la 3e batterie faire un tir en chemise, malgré le grand froid. Ce tir a duré plusieurs heures. A un certain moment, un obus arrive sur le caisson à côté d'eux, mais on voyait ces hommes continuer leur besogne pendant que les obus du caisson sautaient. "

Témoignage de Frédéric BAYON, soldat au 126e R.I. :

" Il y avait derrière nous, à gauche du fortin des Quatre-Cheminées, trois ou quatre batteries de 155 qui nous cassaient les oreilles tous les matins pendant quatre heures d 'affilée et remettaient ça bien souvent dans l'après-midi. Mais un jour, elles furent repérées et les 210 commencèrent à pleuvoir.
A la relève, nous passâmes à cet endroit et l'on nous dit qu'il y était tombé plus de 1200 obus de 210 pour réduire ces pièces au silence. Nous le crûmes facilement en voyant le terrain ravagé, les pièces enterrées, les "cagnas" démolies et les caissons éventrés. Comme elles avaient l'ordre de tenir, elles avaient tenu jusqu'au dernier servant. "

 

Témoignage du capitaine BRISON du 273e R.I. :

" Nous avons assisté à ce fait qu'une batterie de 75 s'est subitement trouvée encadrée et soumise à un feu intense par obus de gros calibres. Immédiatement, le commandant de la batterie a fait monter ses attelages qui étaient postés dans le ravin ; il a sauvé pièces et munitions et est allé se remettre en batterie à 300 ou 400 mètres sur la droite.
Cette manœuvre exécutée sous le feu comme une parade nous a émerveillés.
Le même jour, nous avons rencontré sur la route de Bras un conducteur de tracteur automobile. Il appartenait à un groupe d'obusiers de 240, en batterie dans le ravin d'Haudraumont. Son groupe avait été littéralement anéanti ; il restait seul comme conducteur. Sur les 4 pièces du groupe, 3 étaient intactes ; alors, seul, il avait monté ces pièces une à une sur la route de Bras, les avait, seul, attelées à son tracteur, et à la vitesse d'un homme au pas, il s'en allait tranquillement vers Verdun.
Comme nous lui témoignions notre étonnement, il nous répondit simplement qu'il ne voulait pas abandonner "ses" pièces !… "

Témoignage de J… :

" Relevés cette nuit, nous faisons un arrêt dans la forêt de Hesse puis dans le bois de Bethelain-ville. Chemin faisant, nous longeons dans l'obscurité un tas de douilles de 75, sur 500 mètres de long environ ; un rien !… "

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Les aviateurs...

Témoignage du lieutenant Jacques MORTANE de l'escadrille M.F. 19

" Il est une réforme que réclament tous nos chasseurs de l'air. Alors qu'ils ne disposent que de bandes de 47 cartouches pour leurs mitrailleuses, les Allemands ont le loisir de tirer 1000 balles sans armer à nouveau. Oui, 1000 contre 47, soit 953 chances de plus de triompher dans les combats aériens. C'est un handicap que la maestria des nôtres ne peut pas toujours combler.
Pour bien s'en rendre compte, il faut voir en quoi consistent les manœuvres de la mitrailleuse à bord d'un monoplace ; une fois les 47 cartouches tirées, le pilote s'aide péniblement des genoux pour tenir son manche à balai en tâchant de maintenir l'appareil en ligne de vol. Il saisit son arme d'une main, l'anneau qui la décroche de l'autre, la rabat, retire le disque avec les deux mains, le jette dans le fond du fuselage, prend une autre bande, la place sur la mitrailleuse, arme et raccroche.
Lorsque tout va à souhait, c'est là un travail qui nécessite au moins trente secondes pendant lesquelles l'avion est à la merci de l'ennemi qui peut gaspiller ses munitions sans crainte : dame, 1000 balles ! Ces trente secondes sont un minimum rarement obtenu et pourtant elles constituent déjà un temps qui semble immémorial. Que de choses, que de drames peuvent se dérouler en une demi minute, lorsque vous êtes en face d'un adversaire attaché à votre perte !
Et combien d'inconvénients proviennent de cette inégalité dans l'armement ! Alors que l'Allemand ouvre le feu à 200 ou 300 mètres, nos pilotes sont obligés d'attendre d'être à moins de 30 mètres. Ils approchent le plus qu'ils peuvent pour perdre le moins de balles possible. Or, à 3000 mètres dans l'espace, ce sont deux volontés qui se trouvent en présence ; c'est le duel où il faut une victime. L'avantage n'est-il pas à celui qui a mille cartouches à brûler ? "

 

Témoignage du commandant P. :

" L'aviation apporte aux fantassins un aide matérielle, mais, plus encore, un réconfort moral. Le fantassin, à qui est réservé le rôle le plus ingrat, à qui est confiée la mission la plus dure, a besoin de savoir qu'il n'est pas un paria, que ce qu'il fait est nécessaire, puisque d'autres hommes viennent volontairement partager ses misères et ses périls. "

Témoignage de E. LOUIS, soldat au 25e B.C.P :

" Lorsqu'il ne trouvait pas de gibier, le lieutenant Navarre ne voulait pas que son vol fût inutile. Au retour, il allait distraire les poilus qui croupissaient dans les tranchées. Il avait pour eux un véritable culte. Si on lui demandait pourquoi il ne tenait pas le compte de ses victoires, il se contentait de répondre : "Est-ce que les gars d'en bas le font ? Non ! alors serais-je plus qu'eux ?"
En rentrant de croisière, il aimait à leur donner des meetings. Il y mettait tout son âme, recourant à la gamme complète de sa virtuosité pour montrer à ces malheureux qu'il pensait à eux et qu'il cherchait à les distraire comme il le pouvait. "

Témoignage de E. LOUIS, soldat au 25e B.C.P :

" Un jour, d'un trou d'obus, je vois un de nos avions aux prises avec 5 avions ennemis. Se rendant compte qu'il ne peut s'échapper, l'avions français fonce soudain sur un de ses agresseurs et les deux avions s'abattent en tournoyant entre les deux lignes. Se voyant perdu, notre aviateur n'avait pas voulu mourir seul. "

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Les téléphonistes...

Journée du 11 mars 1916, attaque allemande sur les deux rives. Témoignage de Emile CARTIER, soldat au 127e R.I. :

" Un téléphoniste doit avoir de nombreux et très visibles points de repère où il peut se reconnaître la nuit. Son salut dépend souvent de la rapidité des réparations.
Les lignes téléphoniques sont coupées par les obus 5 ou 6 fois par jour et autant la nuit. Nous bondissons de trou d'obus en trou d'obus avec notre rouleau de fils et l'appareil qui nous sert à délimiter les cassures. Notre baïonnette nous sert de piquet de terre. Nous sommes encore en hiver et la neige tombe en abondance, mais nous rentrons souvent baignés de sueur dans notre poste de Bras. "

Témoignage de H. LE SUEUR, soldat au 2e R.A.I. :

" Sans oublier que je n'ai pas été fantassin, je serais tenté d'assimiler aux coureurs, par son mérite et son héroïsme, un jeune téléphoniste de mon groupe qui, sous le bombardement incessant de notre position à la cote 304 n'a pas une fois hésité à rétablir les communications dont il avait la charge. Ses restes, qui purent tenir dans un de mes mouchoirs de poche, reçurent comme cercueil une boîte de fer blanc. "


Témoignage de ROBICHON, téléphoniste au 95e R.I. :

" Dans la 2e quinzaine de juillet, j'ai été téléphoniste. Nous nous tenions au poste de Tavannes. Le spectacle était terrifiant. Toutes les heures, le bombardement le plus violent que j'aie jamais vu se déclenchait et un arrosage systématique mètre par mètre, de tout le ravin, jusqu'à l'entrée du tunnel de Tavannes s'exécutait dans une vraie féerie d'enfer.
Sitôt qu'une ligne téléphonique était coupée, c'est-à-dire constamment, on partait à deux pour réparer. Je me suis toujours demandé comment il était tout de même possible de sortir vivant d'un pareil enfer. "

Témoignage de EMILE TAVEAU, téléphoniste :

" La plainte humaine, sans cesse, m'arriva aux oreilles par ce tout petit fil de cuivre et cette supplication me fit un mal inouï. "

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Les coureurs (agents de liaison)...

Témoignage du lieutenant H. POISSON :

" On désignait sous le terme de "coureur" les agents de liaison. Ils étaient généralement couverts de boue et de sueur, parfois nu-pieds pour échapper à l'emprise de la glaise. Il fallait en effet un fameux moral pour remplir ce métier. "

Témoignage de Louis FOUCAULT, coureur au 120e B.C.P. :

" J'aime mon métier de coureur. La confiance que l'on nous accorde, et aussi cette sorte de joie intense que nous éprouvons parfois à dominer les dangers courus tout en les bravant, me récompensent amplement de mes peines. "

Journée du 30 octobre 1916, grand projet d'attaque du Commandement français, deux jours avant la reprise du fort de Vaux par les Français. Témoignage du capitaine ARNAULD DORIA :

" Un ordre d'attaque avait été donné pour 10 heures du soir. Les hommes attendaient dans les parallèles de départ l'instant de marcher à la mort. Cependant, vers 21 heures, un peu à l'arrière, au poste de commandement, une note arrivait au chef de bataillon en ligne prescrivant de remettre l'attaque à plus tard ; les Boches, prévenus, on ne sait trop comment, accumulaient des défenses qui laissaient prévoir l'échec certain de notre sortie.
Il s'agit donc, coûte que coûte, et malgré le pilonnage qui bouleverse le sol, d'envoyer vers ceux qui, aux premières tranchées, s'apprêtent à en sortir pour l'assaut, un agent de liaison porteur du contrordre. Chevalier, aussitôt, part de la casemate du commandant et, à travers les trous immenses, se dirige vers les compagnies en ligne. Il avance lentement, difficilement, s'aplatissant à chaque obus qui siffle.
Soudain, personne ne se trouve près de lui mais il est facile de reconstituer le drame, un obus s'abat à ses côtés. Il est grièvement blessé au visage, au bras, à la cuisse, il a une épaule brisée. Ne pouvant plus marcher, il se traîne ; ni son sang qui ruisselle, ni ses souffrances ne l'empêcheront d'accomplir sa mission.
Là-bas, en ligne, de trou en trou, les officiers circulent dans la nuit, jetant des ordres brefs ; les visages sont tendus, on attend… 10 heures moins 2 minutes ; tout le monde est pâle… Soudain un cri rauque fait retourner les hommes ; l'agent de liaison Chevalier, de la 3e compagnie, est là, qui arrive en se traînant ; sa face déchiquetée, où apparaissent les maxillaires semble, dans l'obscurité, une tête de mort portée par un corps fantastique.
D'un suprême effort, il se soulève un peu, tend de sa main crispée l'ordre qui sauve ses camarades et, ayant accompli sa mission, il retombe mort. "

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Coureurs quittant le fort de Vaux

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Les sapeurs du génie...


Témoignage de Fernand DUCON, sergent à la 19/2 compagnie du Génie :

" Les sapeurs du génie peuvent être comptés parmi les combattants les plus méritants et parmi les plus méconnus. On a trop tendance à ne voir dans ce corps d'élite, ou que les spécialistes souvent héroïques de l'effroyable guerre de mines, ou que les sapeurs plus favorisés de compagnies de chemin de fer, de télégraphistes ou de pontonniers.
En réalité, les compagnies divisionnaires groupèrent la majorité des hommes du génie, à la fois sapeurs et fantassins. Dans les divisions d'attaque notamment, ils vécurent en contact intime avec leurs camarades de l'infanterie, dirigeant leurs travaux de préparation, les accompagnant à l'assaut, le fusil ou le mousqueton à la main, la pioche passée dans le ceinturon lorsque l'heure H avait sonné, s'efforçant ensuite d'organiser le mieux possible l'effroyable chaos du terrain conquis. "

Témoignage du commandant P. :

" Si l'assaut terminé, la victoire gagnée, la gloire des citations oubliait trop souvent les sapeurs du génie, c'est que ceux-ci étaient au combat en de petites fractions réparties entre les grandes unités, qu'ils avaient joué le rôle de ces invités à qui l'on ne doit rien, puisqu'ils ne dépendent pas de vous.
L'ingratitude d'un colonel, d'un chef de bataillon, d'un commandant de compagnie pouvait même se transformer, dans l'esprit du chef, pour une vertu, puisque en grossissant le capital de son unité avec les belles actions accomplies par les étrangers de passage, il contribuait à diminuer l'écart entre les légitimes récompenses demandées par lui pour ses hommes et les récompenses, parcimonieuses, il le savait d'avance, qu'on lui accorderait en haut lieu. "

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Les cuisiniers et le ravitaillement...

Témoignage du commandant P. :

" Les réserves faites ici et là, sur la mauvaise qualité de certaines denrées alimentaires, n'atteignent pas, hâtons-nous de le dire, le corps de l'Intendance. Les anciens combattants sont unanimes à reconnaître que, pendant toute la guerre, l'intendance a été à la hauteur de sa tâche.
Profitons de ce qu'à Verdun, tous les acteurs du grand drame ont droit au titre de combattant pour rendre à nos camarades "riz-pain-sel" la justice qui leur est due.
L'occasion nous en est offerte par l'esprit d'initiative vraiment remarquable dont a fait preuve le service d'intendance de la 14e D.I. "

Témoignage de X :

" Il semble que le haut commandement n'ait pas eu le loisir de s'occuper du ravitaillement en vivres avec autant de soin que du ravitaillement en munitions. Peut-être eût-on pu trouver, pour les hommes en ligne, des nourritures plus appétissantes que le riz bouilli, lequel aigrissait en quelques heures ?
Peut-être eût-on pu prendre le temps de goûter aux haricots de l'ordinaire ? On se serait alors demandé pourquoi si souvent ces haricots sentaient le chien mouillé.
Peut-être eût-on pu éviter les conserves épicées et les harengs salés alors que déjà les hommes mouraient de soif ? "


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