L'uniforme de l'entrée en guerre

 

Au tout début de la guerre, 3.7 millions de soldats sont mobilisés. Si les opérations de regroupement des troupes se passent bien, un autre problème ne tarde pas à surgir : on manque d'uniformes ! dans les premiers mois de guerre, l'Intendance est dépassée. Il manque près de deux millions de collections d'habillement et d'équipement. Les chaussures se font si rares que l'on paye aux hommes celles qu'ils apportent en arrivant dans le régiment !

De plus, l'uniforme français de 1914 est totalement dépassé pour une guerre moderne. Les fantassins sont affublés d'un képi et d'un pantalon rouge garance qui fait d'eux des cibles idéales pour la mitraille allemande, et leurs équipements sont inconfortables, archaïques et inadaptés.

 

Képi modèle 1884 :

 

Lorsqu'éclate la première guerre mondiale, la quasi-totalité de l'armée française est coiffée du képi modèle 1884. Il est devenu au fil du temps un élément émotionnel fort pour les soldats et les civils et n'a pratiquement pas évolué depuis sa création.
Les seules unités qui ne le portent pas sont les Chasseurs alpins avec leur béret, les Zouaves et Tirailleurs avec la chéchia et les Dragons et Cuirassiers avec le casque 1874 en acier poli.

Il est composé d'un bandeau, d'un turban et d'un calot qui sont cousus entre eux par une couture recouverte d'un passepoil à cordonnet de laine (2 mm d'épaisseur). Une visière de cuir noirci est positionnée à l'avant, surmontée d'une jugulaire à coulisse maintenue par deux petits boutons d'uniforme cousus de chaque côté du bandeau. Le bandeau est muni du numéro du régiment (25 mm de hauteur) cousu sur un écusson de même nuance que le drap du bandeau (40 mm de hauteur, 30, 50 ou 70 mm de longueur selon de nombre de chiffres). De chaque côté, deux petits aérateurs en cuivre de 15 mm et 7 trous, nommés " ventouses ", sont fixés au niveau du turban.


L'intérieur du képi peut être de 3 types : avec carcasse et basane réduites ; avec carcasse et basane entières ; sans carcasse avec basane entière. La basane de cuir noir est cousue sur le pourtour à l'intérieur du képi. La basane réduite a une hauteur de 50 mm alors que l'entière couvre la hauteur totale du képi. La carcasse est placée entre la basane est le drap. Elle est en toile de lin écrue imprégnée d'un enduit et maintenu par les dents des ventouses rabattues à l'intérieur.
Le fond du képi est renforcé d'un cercle de cuir noir partiellement découpé en son centre pour former un petit cercle de cuir. Une petite pièce de toile est insérée sous cette pastille.

Le képi possède 4 marquages : le cachet du fournisseur (tamponné sous la pastille coté cuir) ; le nom et la compagnie du propriétaire (inscrit manuellement sous la pastille côté toile) ; le cachet de l'expert de la commission de réception (pointé sous la visière, la carcasse et la basane) ; la taille du képi (marqué sous la visière : n°1 pour 54 cm de tour de tête, n°2 pour 55-56 cm, n°3 pour 57 cm).

 

Képis avec carcasse et basane réduites :

Infanterie de ligne :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : bleu foncé
Attributs : numéro garance
Boutons : en cuivre frappé d'une grenade enflammée
Basane : réduite

Infanterie territoriale :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : bleu foncé
Attributs : numéro blanc
Boutons : en cuivre frappé d'une grenade enflammée
Basane : réduite

Infanterie coloniales :
Turban et calot : bleu foncé
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : garance
Attributs : ancre de marine écarlate
Boutons : en cuivre frappé d'une ancre de marine
Basane : réduite
Chasseurs à pied :
Turban et calot : bleu foncé
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : jonquille
Attributs : numéro jonquille
Boutons : en étain frappé d'un corps de chasse
Basane : réduite
Sections d'état-major et du recrutement, commis, infirmiers :
(idem infanterie mais les boutons sont différents)
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : bleu foncé
Attributs : numéro garance
Boutons sections d'état-major : en cuivre frappé d'un foudre
Boutons infirmier d'état-major : en cuivre frappé d'un trophée
Boutons commis : en étain frappé d'une étoile
Basane : réduite

 

Képis avec carcasse et basane entières :

Infanterie d'Afrique :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : bleu foncé
Attributs : grenade éclatée garance
Boutons : en cuivre frappé d'une grenade enflammée
Basane : entière

Artillerie :
Turban et calot : bleu foncé
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : écarlate
Attributs : numéro écarlate
Boutons : en cuivre frappé de 2 canons en sautoir surmontés
d'une grenade enflammée
Basane : entière

Artillerie coloniale :
Turban et calot : bleu foncé
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : écarlate
Attributs : grenade éclatée écarlate
Boutons : en cuivre frappé de 2 canons en sautoir surmontés
d'une entre de marine
Basane : entière

Train des équipages :
Turban et calot : garance
Bandeau : gris de fer bleuté
Passepoil : gris de fer bleuté
Attributs : numéro garance
Boutons : en étain lisse de taille assez petite
Basane : entière

Train des équipages territorial :
Turban et calot : garance
Bandeau : gris de fer bleuté
Passepoil : gris de fer bleuté
Attributs : numéro blanc
Boutons : en étain lisse de taille assez petite
Basane : entière

 

Képis sans carcasse et basane entières :

Infanterie légère d'Afrique :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : jonquille
Attributs : numéro jonquille
Boutons : en étain lisse de taille assez petite
Basane : sans

Dragon et Cuirassier :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu foncé
Passepoil : garance
Attributs : numéro garance
Boutons : en étain lisse de taille assez petite
Basane : sans
Chasseur à cheval et Hussard :
Turban et calot : garance
Bandeau : bleu ciel
Passepoil : bleu ciel
Attributs : numéro garance
Boutons : en étain lisse de taille assez petite
Basane : sans

 

Képis de gandarde 1895 :
Le képi est plus cylindrique que le képi 1884
Turban et calot : bleu foncé
Bandeau : noir
Passepoil : blanc
Galon : blanc brodé avec le point dit "de Hongrie"
Attributs : grenade à 9 flammes blanche
Jugilaure : ficelle de coton blanc
Boutons : sans

 

Depuis le 28 septembre 1874, les troupes d'Afrique disposent d'un couvre-képi et d'un couvre-nuque en calicot blanc d'une seule pièce pour se protéger des rayons du soleil. Le couvre-képi est maintenu sur le képi par 2 petites boutonnières qui viennent se fixer aux boutons maintenant la jugulaire. Le couvre-nuque est cousu au couvre képi et une petite agrafe permet de l'attacher sous le menton.
A partir du 30 septembre 1902, les 2 parties deviennent indépendantes. Le couvre-képi et le couvre-nuque peuvent donc être portée seuls en venant se fixer aux boutons maintenant la jugulaire. Ils peuvent également se fixer l'un à l'autre par 3 petites agrafes sur le couvre-nuque
.
Le 13 novembre 1912, la couleur du couvre-képi change pour devenir gris de fer bleuté.
Le 27 mars 1913, un nouveau modèle pratiquement identique à l'ancien est confectionné en cretonne de couleur bleue.
En août 1914, le couvre-képi recouvre aussitôt le képi des fantassins pour dissimuler sa couleur rouge. Le couvre-nuque n'est pratiquement plus utilisé.

Quelques exemples :

Infanterie

Infanterie territorial

Infanterie légére d'Affrique

Infanterie d'Affrique

Infanterie coloniale
 

Artillerie

Chasseur à cheval

Chasseur à pied
 

Gendarme


Train des équipages


Dragon

 

 

Capote modèle 1877 :

Avant la guerre, les soldats sont vêtus d'une capote en drap de laine gris de fer bleuté (à 90% de laine bleu foncé et 10% de laine crue) dont le modèle date de 1877.
En partie doublée de toile de lin, il s'agit d'une capote croisée qui se ferme par deux rangées de six boutons demi-bombés en cuivre modèle 1871. Chaque bouton est frappé d'une grenade en remplacement du numéro du régiment qui figurait sur l'ancien modèle.
Les manches sont fendues et ferment par un petit bouton. Le dos, d'un seul tenant, ne présente pas de fente dans le bas et dispose d'une martingale. Sur le côté gauche, une patte de ceinturon munie d'un bouton permet de soutenir le ceinturon et à l'empêcher de tourner. Le collet est droit et se ferme par un crochet métallique.
Les pattes de collet rectangulaires sont en drap rouge garance et portent le numéro du régiment en drap gris de fer bleuté (comme le reste de la capote).
Aux épaules, d'utiles pattes à rouleaux servent à retenir les bretelles du fusil et de l'équipement. Ces épaulettes sont maintenues grâce à 2 brides cousues sur l'épaule de la capote. Le modèle d'épaulette 1908 se présente avec un seul rouleau alors que le modèle 1913 dispose de 2 bourrelets, dont un plus petit. Au début de la guerre, en raison du manque de pièces, beaucoup d'hommes ne perçoivent qu'une épaulette qu'ils portent du côté droit (du côté du fusil).
Les plis peuvent être attachés derrière le dos par deux boutons, mais au début de la guerre, ils sont souvent relâchés pour dissimuler le pantalon rouge garance.

 

Rapidement, plusieurs défauts sont constatés : les 2 rangées de boutons sont trop repérables ; le col est petit est ne protège pas beaucoup du froid ; une fois le sac à dos porté, les poches sont difficilement accessibles (lorsque l'on pense qu'il aura fallu presque 40 ans d'existence au modèle 1877 pour que ces problèmes soit constatés...). Il est aussitôt décidé d'activer le remplacement de ce modèle, réforme qui était déjà envisagée avant même le début de la guerre.

 

Vareuse modèle 1870 :

A la mobilisation, les soldats n'ont théoriquement pas de vareuse. Un modèle qui date de 1870 existe mais il ne fait pas partie de la tenue de combat et il est généralement porté dans les casernes et campements.
Cette vareuse est taillée dans du drap bleu foncé et posséde une doublure en toile blanche. Elle ferme par 9 petits boutons.
Durant l'hiver 1914-15, faute de mieux, les soldats vont la porter sous la capote, mais elle s'évère totalement inadaptée, très courte (elle porte le nom familier de "ras de cul") et trop fine, elle ne protège pas assez du froid.
Dans l'urgence de l'hiver, l'armée va distribuer des modéles en velour sombre de coupe plus longue. Plus tard, elle tolérera l'achat et le port de nombreux modèles civils qui côtoyeront le modèle réglementaire (veste de chasse, tunique de travail, etc.).
Cela va donner à l'armée Française un aspect très dépareillé, une situation auquelle il faut remédier rappidement.

 

Pantalon modèle 1887 :

C'est un pantalon remontant à 1829, sous le règne de Charles X. Le modèle de l'entrèe en guerre date de 1867 et n'a pratiquement pas été modifié depuis.
Il est de coupe droite. Il posséde 2 poches de chaque côté et une poche de gousset sur le côté droit. Dans le dos, une martingale permet d'ajuster la taille.
En 1873, une agrafe en acier est ajoutée au niveau de la ceinture afin de la rendre plus résistente.
En 1887, les pattes intérieures de fermeture des poches sont supprimées et la même année, une doublure est ajoutée dans le bas du pantalon pour limiter le plus possible l'usure dû au frotement avec les guêtres.
Rapidement, cet effet devient obsolète et il est urgent de le réformer.

 

 

 

Equipement en cuir :

Tout l'équipement en cuir est teinté de noir.

Les jambières :

C'est en octobre 1897 que les jambières sont mises à l'essai pour tous les corps de troupes d'infanterie (à l'exception des 14 et 15e). Elles sont taillées dans du cuir noirci sur fleur d'une épaisseur de 1,5 à 2 mm. Leur hauteur est de 17 cm. Le côté droit est pourvu de haut en bas de 4 oeillets-crochets en cuivre et d'un oeillet verni noir. le côté gauche est pourvu de haut en bas d'un oeillet verni noir, de 3 oeillets-crochets en cuivre et d'un oeillet verni noir. Le cerrage se fait par un lacet en cuir noir semblable à celui des brodequin d'une longuer de 80 mm.

En juillet 1912, une échancrure est pratiquée à la base sur l'arrière, afin que la jambière s'ajustent mieux aux brodequins.

En juin 1913, une ultime modification est amménéée au niveau du mode de fermeture. Un côté est désormais composé de haut en bas de un oeillet, deux crochets et deux œillets. L'autre est composé de haut en bas de trois crochets et un œillet.
A l'usage, les jambières s'avèrent très inconfortables, trop petites, elles scient les mollets.


Modéle 1913

Modéle 1897

Jambières lacées

 

Le ceinturon :

A l'entrée en guerre, les soldats sont équipés du ceinturon modéle 1845. C'est l'effet le plus ancien de l'uniforme français.
Il est en cuir côté chair vers l'extérieur ciré en noir. Un côté est muni d'une grosse plaque en cuivre alors que l'autre d'un anneau plat cousu au ceinturon. Cet anneau vient se crocheter dans un crochet plat soudé sous la plaque en cuivre.

Le principal inconvénient du ceinturon réside dans la manière d'ajuster sa longueur, qui n'est pas du tout pratique. En effet, l'ajustement se fait en faisant coulisser et glisser en force le cuir sous l'attache de la boucle. Le surplus de cuir est ensuite maintenu plaqué grâce à un passant mobile. La boucle en cuivre n'est donc pas solidaire du cuir, et avec le temps, le ceinturon se desserre petit à petit, obligeant d'être souvent réajusté.
En plus de cela, la boucle en cuivre est assez imposante et ne passe pas dans les passants des cartouchières et du porte-baïonnette. A chaque fois que l'équipement doit être monté, il faut désolidariser la plaque du ceinturon, passer les éléments charge et réajuster la longueur du ceinturon.
Autant dire qu'avec cet effet, rien n'est fait pour faciliter l'habilement des soldats.

 

Ceinturon modèle 1873

 

Il faut attendre 1903 pour que la plaque en cuivre soit enfin remplacée par une boucle en cuivre à 2 ardillons, permettant cette fois ci le passage dans les passants des éléments de charge.
Ce nouveau modèle est distribué en 3 tailles : 110, 115 et 125 cm. Le modèle moyen comporte 2 rangés de 11 trous et ce nombre varie sur les 2 autres modèles.


Ceinturon modèle 1903


A la mobilisation, le modèle 1873 est le plus courant, cepandant, jugé trop voyant à cause des reflets des rayons du soleil sur la boucle en cuivre, il est petit à petit remplacé par le modèle 1903. Cependant, la quantité impressionnante du ceinturon modèle 1845 dans les entrepôts de stockage ne rend pas facile cette réforme et ce modèle sera encore fréquent durant tout le premier semestre de l'année 1915, mais avec sa boucle repeinte en noir.

 

Les bretelles de suspension :

Les bretelles de suspension, que l'on peut également appeler " brelage ", servent à maintenir les 3 cartouchières. Elles sont confectionnées en cuir noir retourné. Elles sont formées de 3 branches en Y qui sont reliées ensemble par un anneau dorsale en laiton. A chaque extrémité, un crochet en cuivre vient se crocheter à l'anneau de la cartouchière. Des trous percés dans chaque branche permettent de régler en hauteur des crochets.
A l'entrée en guerre, c'est le modèle 1892 qui équipe le fantassin français.


Bretelles de suspention modèle 1892

 


Les 3 cartouchières :

A l'entrée en guerre, les soldats sont équipés des 2 cartouchières modéle 1888. Deux sont ventrales et une est dorsale. Elles sont fixées au ceinturon grâce à 2 passants en cuir, et aux bretelles de suspension par 1 anneau métallique. Chacune peu contenir jusqu'a 5 paquets de 8 cartouches, soit 40 cartouches par cartouchière. La cartouchière dorsale est très gênante, car elle empêche le soldat de se coucher, et même de s'asseoir sans qu'il la sente en permanence au bas de son dos.

En 1905, une modification est apportée. Les 2 passants en cuir sur la face arrière sont remplacés par un triangle de cuir plus large enfin de permettre à la boucle en cuivre du ceinturon modèle 1845 de pouvoir passer (voir le paragraphe sur le ceinturon ci-dessus)..
Très vite, un défaut est constater : si le crochet de la bretelle de suspension vient à se décrocher, le haut du triangle, en raison du poids de la cartouchière, glisse sous la bande de cuir verticale, puis sous le ceinturon et la cartouchière tombe au sol. Pour remédier à ce problème, il est préconiser de tordre l'anneau en fer à 90°, mais cette mesure de fortune n'est pas entièrement fiable et sera peu utilisée.


Cartouchière modèle 1888

Cartouchière modèle 1905