L'évolution de l'uniforme français durant
la première guerre mondiale

" La fabuleuse histoire du bleu horizon "
(plus de détails dans les parties idividuelles)


La tenue Boers

La tenue beige-bleue
L'équipement Mills
La tenue réséda
Le drap tricolore
Le Poilu d'août 1914
Le Poilu de l'hiver 1914 (silhouette 1)
Le Poilu de l'hiver 1914 (silhouette 2)
Le Poilu du printemps 1915
Le Poilu de l'automne 1915
Le Poilu du printemps 1916
Le Poilu des années 1917 et 1918
Officier 1916-17-18
Tankiste 1917-18

 

C'est suite à la guerre des Boers, conflit intervenu en Afrique du Sud du 16 décembre 1880 au 23 mars 1881 puis du 11 octobre 1899 au 31 mai 1902 entre les Britanniques et les habitants des deux républiques boers indépendantes, que Europe prend conscience que le camouflage des uniformes militaires devient une nécessité.
En effet, la poudre noire est remplacée depuis 1886 par la poudre pyroxylée qui dégage beaucoup moins de fumée. Par conséquent, les champs de bataille sont beaucoup moins "embrumés" et les couleurs vives des uniformes, nécessaire pour se distinguer dans la fumée, ne sont plus nécessaire. Au contraire, elles deviennent un désavantage.

Toutes les grandes puissances européennes entreprennent alors les réformes nécessaires. La France constitue même une commission dès 1903 pour travailler exclusivement sur ce sujet.

Ainsi, les Britanniques adoptent la couleur kaki en 1900 (déjà testée aux Indes à plusieurs reprises depuis 1857) ; les Allemands optent pour la couleur feldgrau en 1907 ; les Austro-hongrois choisissent la couleur gris-bleu en 1909 ; les Russes, la couleur gris verdâtre en 1910. La France, alors qu'elle est le pays qui va réaliser le plus de travaux et d'essais entre 1903 et 1914, et le seul pays qui, à la veille de la guerre, n'aura encore engagé aucune réforme sur une nouvelle tenue camouflée.

 

Voyons plus détails les tests réalisés par la France :

La commission est présidée par le général Gillain, directeur de la cavalerie au ministère de la guerre. Elle est constituée d'officiers des différentes armes combattantes, de médecins militaires et de fonctionnaires de l'intendance. Sa mission est de proposer au ministre une nouvelle tenue pour l'ensemble de l'armée française, moins voyante et plus économique que la tenue actuelle.

La tenue Boers :

Dès 1903, la commission est en mesure de proposer un projet de nouvelle tenue. Elle se compose :
- D'un chapeau brun à larges bords dont le droit est relevé et maintenu par la cocarde nationale ;
- D'une vareuse et d'une culotte en laine gris-bleu du type déjà en dotation pour l'armée coloniale ;
-
Les ornements brillants sont supprimés, les boutons sont en corozo noir et la plaque de ceinturon est remplacée par une agrafe brunie ;
- Les cartouchières encombrantes et inconfortables sont remplacées par des modèles en bandoulière.

Bien que cette tenue soit parfaitement dans l'esprit recherché, plusieurs voix s'élèvent contre son adoption : Une tenue semblable à toute l'armée va détruire l'esprit de corps qu'il existe entre chaque arme et diminuer l'émulation entre les différentes troupes ! Changer ses uniformes, c'est oublier toute l'histoire de l'armée française et son glorieux passé ! Le pantalon garance, c'est la France !

Finalement, le projet n'est pas voté et la commission se remet au travail…

 

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La tenue beige-bleue :

En 1906, une nouvelle tenue est mise à l'essai. Sa couleur est un mélange de beige et de bleu qui donne un gris plutôt bleuté et assez soutenu. Elle se compose :
- D'une coiffure qu'il reste encore à définir, soit un képi ovale surmonté d'une cocarde tricolore et d'un pompon, soit un béret de chasseurs alpins, soit un casque de type colonial ;
- D'une capote à collet rabattu, avec numéro de col de couleur garance et surmontant une grenade, et une rangé de bouton bronzés ;
- D'une tunique-vareuse également à col rabattu ;
- D'une culotte et de bandes molletière.
Tous ces effets sont de la même couleur beige-bleue.

Là encore, la tenue est abandonnée sans que l'on connaisse les réels motifs, mais qui doivent sensiblement être similaires à ceux évoqués pour la tenue Boers.


Képi ovale avec cocarde
et pompon

Casque de type colonial

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L'équipement Mills :

En 1908, la firme anglaise Mills propose à la France de tester son équipement en coton filé qui vient d'êtreadopté par l'armée britannique et américaine.

L'équipement est de teinte gris-bleuté contrairement au modèle anglais qui est brun. Il se compose des éléments standards : havresac, musette, cartouchières, ceinturon, bretelles de suspension, porte baïonnette, bretelle de fusil.
- La musette ne possède pas de sangle. Elle vient se fixer au surplus des sangles avant gauche et arrière des bretelles de suspensions, par 2 boucles disposées sur sa face arrière.
- Les cartouchières ne disposent pas de compartiment mais d'un simple rabat supérieur pour éviter que les cartouches ne s'échappent. Elles sont fixées au ceinturon par 2 crochets en laiton.
- Le ceinturon ferme par une simple bouche en laiton. Il est réglage en longueur par 2 crochets qui viennent s'insérer dans de petits espaces présents de haut en bas sur la totalité de la face intérieur du ceinturon.
- Le havresac ressemble au modèle français 1893 (as de carreau) bien qu'il soit un peu plus petit et ne possède pas de cadre rigide. Il se ferme par 3 sangles.
- La bretelle du fusil est plus longue de 4 cm (92 cm) que le modèle français. Elle est réglable en longueur grâce à une boucle et peut s'adapter à la fois sur le fusil Lebel et le fusil Berthier.

Les essais ne semblent pas concluant alors que la France est toujours en pleine recherche de modernité pour son armée. Les raisons sont peut-être que l'on considère la toile plus fragile que le cuir et avec moins de tenue. Toujours est-il que le projet est finalement abandonné.


Havresac

Musette

Porte baïonnette

Cartouchière

Ceinturon

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La tenue réséda :


En 1910, une nouvelle commission est mise en place sous la direction du général Dubail pour poursuivre le projet de réforme de l'uniforme français.
En 1911, ses travaux aboutissent à l'expérimentation d'une nouvelle tenue nommée "tenue réséda", du nom de la plante qui permet la teinture gris-verte du drap qui compose toute la tenue.

Elle est présentée à la Chambre des députés, au Sénat et à l'Armée en avril 1910, et testée à grande échelle durant l'été lors des grandes manœuvres du 6e corps d'armée (notamment par le 106e R.I.)

Elle se compose pour les soldats à pieds :
- D'un casque en liège surmonté d'un cimier bas métallique amovible en temps de paix et d'une cocarde tricolore moins visible en temps de guerre, les officiers ont quant à eux une casquette avec visière ;
- D'une capote ;
- Vareuse ;
- Pantalon ;
- Bandes molletière ;
- D'un équipement en cuir légèrement simplifié par rapport à l'actuel et de couleur fauve ;
- L'armement reste identique bien que le sabre des officiers soit remplacé par un sabre plus court et légèrement courbe.

Pour les cavaliers : Maintien du casque actuel pour les dragons et les cuirassiers, adoption du nouveau casque en liège pour les hussards et les chasseurs ; Manteau ; Vareuse ; Culotte ; Fausses bottes.

Si l'on détaille la nouvelle vareuse réséda, elle possède des pattes d'épaules "à la suédoise", des parements de manche et des collets qui restent de couleur garance. Elle ferme par une rangé de 7 gros boutons et elle est dotée de 2 poches de poitrine et de 2 poches de hanche à rabat. En cas d'adoption de la tenue, les subdivisions d'armes se distingueront par la couleur des boutons, des pattes d'épaules et du passepoil du pantalon.

Nous avons donc une nouvelle fois une tenue de campagne simple, pratique, hygiénique, peu coûteuse, et débarrassée de tous ses attributs brillants et trop voyants. Mais là encore, les critiques ne tardent pas à affluer de toutes parts, on juge la nuance de couleur inesthétique et trop proche de celle de l'uniforme allemands adopté en 1907, d'un camouflage assez contestable lorsque la troupe se déplace à contre-jour, et ressurgissent les éternels refrains patriotiques sur l'uniforme et l'honneur de la France. La commission rend finalement un avis négatif !

En 1913, on tente bien de relancer la tenue réséda en faisant l'effort de réintégrer le pantalon garance, mais une nouvelle fois, on ne parvient pas à se mettre d'accord et à prendre une décision.


Tenue réséda 1913

Casque en liège avec le cimier

Casque en liège avec la cocarde

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Le drap tricolore :

Le 13 juin 1914, Adolphe Messigny, fervent opposé au maintien du pantalon garance dans l'armée française, prends la direction du ministère de la Guerre. Le 10 juillet, il parvient enfin à faire voter une loi pour la "substitution aux draps actuels d'un drap de couleur neutre". Le nouveau drap choisi est un drap tricolore composé de 60% de laine bleue teinté à l'indigo, de 30% de laine rouge teinté à l'alizarine synthétique et de 10% de laine blanche. Selon les observations de l'époque, ce drap "donne l'aspect d'un bleu mal défini, tirant légèrement sur le violacé".

A 24 jours de la déclaration de guerre par l'Allemagne, et après 11 ans de projets et de refus systématiques, la France est enfin parvenue à acter la réforme de son uniforme vers une nuance de couleur moins voyante !
Cependant, il est trop tard pour engager quoi que ce soit, les soldats partent en guerre un mois plus tard avec l'uniforme de 1870 !

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Le Poilu d'août 1914 - L'entrée en guerre

Comme nous l'avons vu, à la mobilisation, les soldats français partent en campagnes avec un uniforme totalement dépassé pour une guerre moderne. Les fantassins sont affublés d'un képi et d'un pantalon rouge garance qui fait d'eux des cibles idéales pour la mitraille allemande, et leur équipement est inconfortable, archaïque et inadapté.

De plus, dès le 12 août, la pénurie de drap de troupe se fait ressentir. On peine à vêtir les milliers d'hommes mobilisés qui continuent à affluer dans les régiments. Il faut absolument activer la production du nouveau drap tricolore et concevoir de nouveaux uniformes !

Le 15 août, le ministre de la guerre, Adolphe Messigny, convoque en urgence le président de l'Union Industrielle de Roubaix (en 1914, le centre lainier Roubaix-Tourcoing possède la quasi-totalité des filatures de laine en France) ainsi que le directeur de la production de la société Balsan, manufacture de drap de Châteauroux, M. Maurice Allain.
Cette réunion improvisée à Paris dès le lendemain, dimanche 16 août, a pour but de définir au plus vite les modalités de conception du nouveau drap tricolore.


Maurice Allain, qui n'est pas du tout un partisan de ce nouveau drap, expose son point de vue au ministre en donnant 2 raisons qui pour lui démontre que ce drap et les teintes qui le composent, dans sa forme officielle, n'est pas une bonne idée :

1 - Le drap tricolore doit être composé de 30% de laine garance. Or, la teinture qui permet la confection de ce fil rouge est l'alizarine synthétique. Elle en totalité importée d'Allemagne et la guerre prive donc la France de cette teinture. N'étant pas la capacité de palier à la demande avec sa production de garance, abandonnée depuis bien longtemps, la France ne peut donc pas produire assez de fils rouge pour le nouveau drap ;

2 - Le fil bleu, contenu à 60% dans le drap tricolore, doit être teinté à l'indigo pour obtenir la teinte officielle. Mais cette teinture est très peu utilisée dans les filatures françaises. Pourquoi se compliquer la tâche à produire un drap avec une teinte que l'on ne maitrise pas. Il serait beaucoup plus simple et rapide d'utiliser des nuances de fils bleu que l'on a déjà sous la main, le fil servant au drap gris de fer-bleuté des capotes que l'on pourrait éclaircir par l'ajout de laine blanche et de laine bleue-claire utilisée pour les tuniques de la cavalerie par exemple !

Maurice Allain va même jusqu'à présenter au ministre un échantillon qu'il a amené avec lui (15% de fils gris de fer-bleuté, 35% de fils blanc, 50% de fils bleu clair de cavalerie légère), ce qui donne une nuance bleue tirant sur le gris. Convaincu et conscient que l'urgence impose la simplification, M. Messigny valide la nouvelle teinte. Dès le lendemain, une dépêche ministérielle avec notice de confection est diffusée à toute l'industrie lainière française en vue de la mise en fabrication immédiate de ce nouveau drap.
Cette dépêche acte définitivement la substitution des draps actuellement utilisés par l'armée française par un drap neutre de couleur "bleu clair" !

Il est important de réaliser que finalement, la naissance du drap bleu horizon n'est donc pas le simple retrait du fil rouge garance du drap tricolore réglementaire. Mais bien par le mélange de 3 nuances de fils que la France produisait déjà pour d'autres uniformes, qu'elle maitrisait parfaitement et qui étaient déjà largement stockés.

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1 - Képi modèle 1884
2 - Cravate

3 - Havresac
4 - Brelage en cuir noir

5 - Capote modèle 1877 (de caporal-chef)
6 - Bidon d'un litre modèle 1877

7 - Ceinturon modèle 1845
8 - Cartouchière modèle 1905
9 - Musette modèle 1892

10 - Pantalon rouge garance modèle 1887
11 - Jambière modèle 1913

12 - Baïonnette modèle 1886
13 - Brodequin modèle 1912
14 - Fusil Lebel modèle 1886 modifié 1893

Le Poilu de l'hiver 1914 - Le camouflage à tout prix

 

1ére silhouette

Lorsque la dépêche du 17 août est envoyée, mettant à demeure les fabricants de drap de produire immédiatement le nouveau drap bleu clair, beaucoup ont déjà repris de manière intensive la confection des draps habituels. Cette demande impromptue génère quelques inquiétudes chez ces derniers et il faut environ 2 semaines à l'état pour clarifier un peu plus en détails que deviennent les contrats déjà signés et les commandes en court de production. Après cette mise au point d'ordre commercial et contractuel, la nouvelle production s'organise et l'on peut considérer qu'au début de septembre 1914, la confection du nouveau drap est significative. Pour augmenter d'avantage la production, l'état passe également de nouveaux marchés avec de nombreux autres drapiers sur tout le territoire.

Parallèlement, dans l'attente du nouvel uniforme bleu clair, des mesures urgentes sont prises afin de dissimuler le plus possible l'uniforme actuel :

- Le port du couvre-képis déjà en dotation devient obligatoire ;

- A partir du 12 octobre, des couvre-pantalons de toile bleue sont distribués pour recouvrir le pantalon rouge. Le but est triple : dissimuler le pantalon ; diminuer son usure ; augmenter la protection contre le froid. Une très grande latitude est laissée aux intendances et ce sont très souvent des surpantalons de type ouvrier mécanicien achetés dans le commerce par l'armée qui sont distribués. Certaines unités perçoivent quant à elles des pantalons bleu foncé à passepoil écarlate réquisitionnés des compagnies de sapeurs-pompiers. Enfin, les hommes qui n'ont encore rien perçu ont l'ordre strict de porter les pants de leur capote relâchés ;

- Pour diminuer la brillance de la plaque en cuivre du ceinturon modèle 1845 et des boutons de la capote, les hommes les ternissent avec du cirage noir ;

- L'armée distribue également des bandes molletières qui viennent remplacer les guêtres en cuir très inconfortables. C'est le modèle bleu foncé des troupes alpines qui est choisi.

- Croyant à une guerre très courte, l'armée n'a pas du tout anticipée une campagne d'hiver et manque cruellement d'effets chauds. Les hommes demandent à leur famille de leur envoyer des écharpes, chandails, gants, chaussettes, bonnets et passe-montagnes. Les formes et les couleurs de ces effets civiles sont des plus diverses et ne contribuent en rien à une uniformisation des hommes.

Bientôt, le nord et l'est de la France sont occupés par les troupes Allemandes, faisant ainsi perdre à la France une très grande partie de sa production lainière. L'armée est contrainte à passer en urgence des commandes de drap à l'étranger, États-Unis, Espace et surtout Grande-Bretagne.
Les premières commandes ne sont pas satisfaisantes car les nuances de drap reçus sont trop foncées. Mais le besoin en drap est tel que la France n'est pas mesure de les refuser. Elle insiste cependant auprès de ses fournisseurs pour qu'ils respectent scrupuleusement les échantillons témoins qu'ils ont reçus.
A partir de novembre 1914, l'importation et la production nationale de drap est beaucoup mieux encadrée, rodée et conforme, et les premiers métrages de drap bleu clair peuvent être livrés aux sociétés de tailleurs pour commencer la production des nouveaux uniformes.

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1ére silhouette

1 - Couvre-Képi modèle 1913
2 - Rouleau d'épaule

3 - Couvre-pantalon
4
- Bandes molletière alpnes gris de fer bleuté 1910 1er type
5 - Pince barbelé modèle 1905
6 - Pétard artisanal

 

 

2ème silhouette

Mais le nombre d'uniforme à produire est colossale, car on ne souhaite pas simplement pallier au manque d'uniforme, mais bien rhabiller toute l'armée française. Une grande campagne de simplification de l'habillement est alors entreprise afin d'économiser le tissu.

- Le képi modèle 1884 est redessiné dans une forme simplifiée nommée "modèle 1914". Le numéro du régiment est repris de l'ancien modèle.

- Le ministère de la guerre confie le soin au célèbre couturier parisien Paul Poiret de concevoir une nouvelle capote plus économe en tissu et en main-d'œuvre. Le premier modèle est précisé le 19 septembre 1914 et se nomme "capote Poiret".
Elle est d'une coupe droite taillée d'une seule pièce, 2 ajouts triangulaires sont juste ajoutés en bas de part et d'autre. Le col est à revers demi-chevalière et les numéros de régiment sont repris du modèle 1877 (instruction du 19 septembre 1914).
Elle ferme par une rangée de 6 gros boutons en laiton du modèle 1871, mais une circulaire autorise l'utilisation de boutons en corne ou en corozo de nuance de préférence bleue ou noir. Les parements de manches et martingale dorsale disparaissent, 2 poches fermées par une patte à un bouton sont disposées sur la poitrine.

- Le cuir est également une matière qui commence à manquer. Dans l'urgence, bretelle de suspension, cartouchières, porte baïonnettes sont conçus en tissu ou en toile dans des modèles que l'on va surnommer "ersatz" (de remplacement). Cette production précipitée et non contrôlée va donner une très grande diversité quant à la forme, la couleur, le soin de fabrication et la robustesse.

 

La distribution de cette multitude d'effets s'étale sur l'hiver 1914. Des unités équipées de nouveaux effets en côtoient d'autres qui n'en sont pas encore pourvues. Pas un homme n'est vêtu comme son voisin.

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2ème silhouette

1 - Képi bleu 1915 1er type
2 - Capote Poiret 1er type

3 - Numéros de collet repris de l'ancienne capote
4 - Bretelles de suspension et cartouchières erzatz
5 - Grenade modèle 1914

Le Poilu du printemps 1915 - La réforme du bleu horizon

Au printemps 1915, la grande majorité des soldats ont perçu un képi simplifié et une capote Poiret. Mais quelques effets ont déjà subi des modifications et d'autres ont fait leur apparition :

- En décembre 1914, la partie supérieure du képi "modèle 1914" est rehaussé pour effleurer les bords supérieurs afin de supprimer le bourrelet qui laisse l'eau s'accumuler sur le haut du képi en cas de pluie (problème rapidement constaté sur le terrain).
Ce nouveau modèle prend l'appellation de képi 2eme type et le képi 1914 devient de facto le 1er type. De même, jugés trop voyant, le numéro de régiment est retiré.
Dans les faits, le képi 2ème type ne sera pratiquement pas distribué ni porté, car les stocks du képi 1er type sont importants et le casque Adrian va bientôt supplanter définitivement le képi.

- La production de capotes Poiret est soumise à tellement de variantes de la part des fabricants, qu'en quelques mois, le ministère de la guerre est contraint à réglementer plusieurs types :
-- La capote dite du 2ème type (2 novembre 1914) n'a plus de poche poitrine gauche (certains 2eme type n'en ont plus du tout).
-- La capote dite du 3ème type (9 décembre 1914) rétablie les 2 poches poitrine ainsi que la martingale dorsale. Les boutons se généralisent par un modèle en aluminium d'une seule pièce.
En ce qui concerne les insignes de col, les modèles repris de la capote 1877 sont remplacés à partir du 9 décembre 1914 par des modèles rectangulaires de couleur jonquille. Mais jugées trop voyante, ces pattes de collet sont finalement remplacées le 16 avril 1915 par des collets bleu clair.

- Afin de limiter les blessures à la tête qui sont très nombreuses, le port d'un casque est adopté le 21 février 1915. En attendant, le sous-intendant Adrian propose une calotte métallique à insérer dans le képi, la "cervelière". Faute d'autres propositions, l'intendance passe commande de 700.000 unités à la maison Japy, livrables dès le 10 mars. Elle est sensée s'insérer dans le képi entre la basane servant de coiffe et le drap, mais elle est très difficile à positionner et très inconfortable. Elle ne rencontre pas l'engouement escompté et est très peu portée.

- La production de drap bleu clair ne permet pas encore la confection de pantalon, encore réservé aux képis et aux capotes. Cependant, il devient urgent de changer le pantalon des soldats qui est très usé après une campagne d'hiver. On se tourne alors vers des modèles en velours côtelé de couleurs neutres (marron, brun, beige) style culotes de chasse ou de travail, achetées dans le commerce. Le modèle le plus courant est resserré sous le genou et se termine par une fente fermée par un lacet ou des boutons. Un carré de tissu est quelque fois ajouté aux genouillères pour les renforcer.
Là encore, c'est d'abord vers les stocks civils que l'armée se tourne, pour palier au plus urgent, mais elle fait ensuite produire du drap de velours et des culottes réglementaires. Elles doivent théoriquement posséder un passepoil jonquille (instruction du 21 avril 1915) mais cette pratique ne deviendra significative qu'à partir de juin.

- Le ceinturon modèle 1877 est remplacé par le modèle 1903 à boucle en cuivre à 2 ardillons. Initialement noir, il commence à être confectionné de couleur brune comme le stipule la directive du 9 décembre 1914 sur la modification de couleur fauve de tous les cuirs de l'uniforme.

- Le 22 avril 1915, dans le secteur de Langemark, près d'Ypres en Belgique, les Allemands lancent la première attaque chimique de l'histoire, violant ainsi le traité de la Haye de 1907 interdisant l'usage des gaz à des fins civiles et militaires. Dans les tranchées françaises, c'est la débandade. Les hommes, asphyxiés, aveuglés, refluent vers les secondes lignes, poursuivis par la nappe de gaz. Les pertes sont sérieuses. Aussitôt, les pharmaciens militaires Didier et Launoy sont envoyés sur le lieu de l'attaque. En à peine 3 jours, ils identifient la nature du gaz utilisé (du chlore à l'état liquide) ainsi que la solution pouvant le neutraliser, grâce à une protection allemande encore humide retrouvée sur le champ de bataille.
Le 25 avril, le ministère de la guerre décide de copier immédiatement la protection allemande et passe commande de 1.125.000 unités livrables dans les plus brefs délais. Sur tout le territoire, de très nombreux ateliers s'organisent car la "Section Technique du Génie", en charge de la confection, n'est pas du tout en mesure d'assurer seule la production de plusieurs milliers de protections. Que l'on nomme "bâillon".
Le premier modèle est une enveloppe de toile ou de gaze cirée de 8 cm sur 12, rempli de gaze, de ouate ou de déchets de coton.
La protection des yeux se fait grâce à des lunettes commandées à 400.000 exemplaires à partir du 11 mai. C'est un modèle en caoutchouc avec des oculaires en gélatine. Mais une fois de plus, l'urgence impose, en attendant d'être livré, d'aller puiser dans les stock civils et l'armée réquisitionne toutes les lunettes de type automobilistes, motards, soudeurs, viticulteurs… Ces modèles n'offrent qu'une protection très sommaire.
Le tout est rangé dans un étui confectionné dans toute les matières imperméables disponible : toile huilée, cirée, caoutchoutée… Il se porte à la poitrine, fixé à un bouton de la capote.
Le 27 mai, la taille des baillons est augmentée à 13 cm sur 25, ils sont à présent remplis d'étoupe pour les rendre plus performants, et les sangles sont renforcées. Ce nouveau modèle prend le nom de "compresse".

Comme pour l'hiver 1914, le premier semestre 1915 reste synonyme d'anarchie vestimentaire. On produit à tout va des habits de formes et de nuances différentes et l'on équipe avec tout ce que l'on peut trouver sur le marché. Les anciens effets côtoient les nouveaux et l'armée française donne l'effet d'un groupe désordonné et hétéroclite....

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1 - Képi bleu 1915 1er type
2 - Capote Poiret 2er type

3 - Numéros de collet couleur jonquille
4 - Bretelles de suspension et cartouchières erzatz

5 - Sachet de compresse contre les gaz et lunette de protection
6 - Ceinturon modèle 1903

7 - Culotte en velour côtelé maron
.. - Passepoils de culotte
8- Bandes molletière bleu horizon 1er type

Le Poilu de l'automne 1915 - L'adaptation à la guerre de tranchée

A partir du second semestre 1915, la nouvelle tenue bleue horizon, telle que l'a souhaité le haut-commandement à l'entrée en guerre, commence à devenir significative. Les disparités entre les poilus tendent à disparaitre dans les tranchées de première ligne.

- Nous avons vu que le 21 février 1915 avait été acté la dotation d'un casque à toute l'infanterie. C'est le 13 avril que le sous-intendant Adrian est en mesure de présenter un prototype au général Joffre. Le 21 mai, il est adopté et aussitôt mis en production.
Les premières distributions ont lieux à la mi-août et s'intensifient pendant le mois de septembre. Au 23 décembre, toutes les armées en sont pourvues, soit plus de 3.125.000 casques distribués en un temps record.

- Avec l'apparition du casque, se pose la question de la coiffure de repos. Le képi étant trop encombrant lorsqu'il n'est pas porté, le général Joffre opte le 31 juillet pour le béret de chasseur alpin de couleur bleu clair. Cependant, cette décision crée instantanément un mouvement de contestation chez les troupes alpines qui entendent bien conserver le monopole de leur coiffure emblématique. Finalement, Joffre revient sur sa décision et opte le 14 septembre pour le bonnet de police modèle 1891.
2 millions de bonnets bleu clair sont confectionnés et distribués entre octobre et novembre 1915. Les troupes qui possèdent l'ancien modèle perçoivent le nouveau au fur et à mesure des remplacements.

- La capote Poiret subit une ultime modification par l'ajout de 2 grandes poches de hanche à rabat, dites "à cartouchières".
Cette décision est actée le 24 mai 1915 et donne lieu à un 4ème type. Les poches sont réalisées en forte toile et renforcés par une sangle passant sur les épaules. Une fois les 2 poches ajoutées, la vue d'ensemble laisse à désirer : les rabats sont taillés dans du drap de récupération d'une nuance souvent plus foncée que celle de la capote, les extrémités intérieures des poches sont visibles lorsque les pants de la capote sont relevés.

- Les pantalons bleu horizon commencent afin à être produits et distribués à partir de l'automne, harmonisant enfin la tenue des soldats. Ils possèdent le passepoil de couleur distinctive selon l'arme, comme le précise la directive du 21 avril 1915 (jonquille pour l'infanterie). Par ailleurs, toujours dans un désir d'harmonie, seuls les pantalons en velours de nuance bleue sont maintenant autorisés.

- Depuis le 9 décembre 1914, il est prévu de munir les soldats d'une vareuse pouvant être portée sous la capote. Mais comme pour les culottes, la production ne pourra pas commencer avant l'été 1915.
Le premier modèle est réalisé dans des draps bleu clair de mauvaises qualités. Ainsi, les teintes sont très diverses, la robustesse est moindre et l'absence de doublure accentue le manque de tenue de la veste. Elle est à collet droit, ferme par 5 petits boutons et possède 2 poches de ceinture à rabat à un bouton rapportées sur le devant.
Le 10 octobre 1915, un second modèle dit "1914/1915" vise à redonner de l'allure à la vareuse. Le tissu utilisé est maintenant d'un bleu horizon standard, une doublure est ajoutée (manche comprise), les poches de ceinture sont maintenant intégrées et leur rabat perd leur bouton de fermeture.

- L'équipement en cuir couleur fauve devient majoritaire.

- Le 20 juin, en Argonne, les fantassins français subissent la première attaque au gaz allemande par obus d'artillerie. Ce nouveau moyen de propagation est moins dangereux pour les envoyeurs, beaucoup plus précis et permet d'augmenter considérablement la concentration de gaz au m². De plus, le gaz employé est une nouvelle substance toxique (bromure de benzyle et palite). Les compresses dont disposent les hommes s'avèrent totalement inefficaces.
Le 5 juillet, la nouvelle commission de protection des services chimiques se penche sur le moyen de neutraliser ces nouvelles substances lacrymogènes. Le 26 juillet, une solution est trouvée et donne lieu à une nouvelle protection polyvalente, le tampon P. Il est constitué d'une compresse de mousseline pliée plusieurs fois et glissée dans une enveloppe de gaze de 10 cm sur 20. Afin qu'il épouse au mieux la forme du visage, un petit fil de fer souple est introduit dans la partie supérieur.
Le 24 août, un nouveau tampon nommé P2 vient remplacer le modèle P. Il possède une petite ouverture permettant de glisser plusieurs compresses. En effet, la diversité des gaz oblige à présent à superposer plusieurs compresses imbibées de solutions neutralisantes différentes, si l'on veut une protection complète et efficace selon le gaz que l'on reçoit (les suffocants, les dérivés cyanés, les lacrymogènes). Afin d'améliorer le plaquage au visage, 3 lames de fer sont cousues sur la surface. Le système d'attache se fait par 2 grandes bandes de tissu plus résistantes.
A partir de juillet, les lunettes de protections subissent également des modifications afin de les rendre efficace contre des lacrymogènes. De nombreux modèles voient le jour, souvent en cuir ou en caoutchouc, plus large et avec des optiques plus résistants. Le modèle le plus courant est celui fabriqué par la maison Meyrowitz avec des optiques en verre montés sur les montures en métal.
Le tampon P2 est livré dans une nouvelle pochette de protection, le sachet S2. Plus grand et plus robuste, il est constitué de tissu caoutchouté teint en bleu. Il possède un compartiment pour le tampon et un autre pour les lunettes.


- Notons pour finir l'adoption du bidon de 2 litres recouvert de drap bleu clair.

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1 - Casque Adrian 1er type
.. - Béret de chasseur bleu horison
.. - Bonnet de police 1981
bleu horison
2 - Capote Poiret 3e type

3 - Numéro de collet bleu horizon
4 - Bretelles de suspension et ceinturon en cuir fauve

5 - Tampon contre les gaz modèle P2 et le sachet S2
6 - Pantallon en velour côtelé bleu avec passepoil jonquille
.. - Passepoils de culotte
7 - Brodequin modèle 1915
.. - Vareuse 1914/15

 

Le poids supporté par le fantassin français

Le Poilu du printemps 1916 - L'année charnière

Alors que toute l'armée française défile sur le front de Verdun pour tenter d'endiguer l'offensive allemande, les évolutions vestimentaires se font moins importantes, et le premier semestre de l'année 1916 n'est marqué que par des modifications au niveau de l'équipement.
Les difficultés rencontrées depuis un an et demi ont été surmontées, les usines d'uniformes et d'accessoires produisent à plein régime des effets de formes et de couleurs enfin standardisées.

Il faut citer toutefois :

- L'adoption d'un couvre casque de toile, rendu nécessaire par la brillance de la peinture du casque sous les rayons du soleil. C'est en effet un défaut qui a été constaté dés les premiers jours de mise en service du casque, ou les troupes étaient facilement repérées à cause des reflets sur la bombe des casques. On pense alors à les repeindre d'une peinture plus mate ou de les recouvrir d'un couvre-casque.
Le 30 octobre 1915, le général Joffre opte pour la seconde solution en préconisant l'utilisation d'une couleur bleu clair ou toutes couleurs neutres tranchant le moins possible avec celle de l'uniforme. Apparaissent alors des couvres casque bleus, beiges ou kakis selon les opinions, certains officiers estimant que la couleur la meilleure est le kaki, qui se confond avec la terre des tranchées, d'autres pensant au contraire que la teinte semble devoir être celle du drap des capotes.. Le port du couvre casque est caractéristique de la silhouette du poilu du Verdun (1er semestre 1916).

- Le 21 avril 1916 sont créés les chevrons de présence aux armées. Ils permettent "aux anciens" de se distinguer et de signifier leur mérite aux autres, dans une guerre ou 6 mois de présence au front fait déjà de vous un vétéran.
En forme de V renversé de la couleur du galon, ils sont portés sur le haut du bras gauche et attribués à chaque homme à raison de :
-- un chevron pour une année effective de présence dans la zone des armées ;
-- un chevron supplémentaire pour chaque nouvelle période de six mois.
Les soldats au combat depuis le début de la guerre (18 mois) peuvent donc aussitôt coudre 2 chevrons à la création de l'insigne.
Sous le chevron de présence aux armées se trouve l'insigne de spécialité.

Le même jour sont créés également les chevrons de blessures. Ils sont de confection identique aux chevrons de présence mais se portent en haut du bras droit à raison de un par blessure simple ou multiple avec séjour en convalescence.

- Fin septembre 1915, alors que le casque Adrian entre juste en service, des médecins ont l'idée d'une épaulière en métal qui permettrait de protéger la région des épaules et du thorax. Le sous-intendant Adrian étudie la question et propose un prototype le 22 septembre au général Joffre. 2.000 paires sont confectionnées et envoyées aux Armées pour tests. Les retours étant positifs, l'épaulière Adrian est adoptée le 12 novembre 1915 et la distribution commence à partir de février 1916.
C'est une pièce de 3 épaisseurs de drap dans laquelle viennent se loger 8 lamelles en tôle d'acier courbées pour épouser la forme de l'épaule. La partie supérieure est garni d'un rouleau de tissu servant à retenir les bretelles de l'équipement. L'épaulière est fixée par simple couture à la capote.
L'utilisation au combat va finalement faire apparaitre de nombreux défauts : gêne dans les mouvements ; position du tir couché difficile ; douleurs sous le poids du sac. La fabrication est finalement stoppée le 25 juillet 1916. Les épaulières en service continueront à être portés sans les lamelles métalliques, celles en stock seront écoulées jusqu'à épuisement complet.

- Depuis le 17 novembre 1915, une nouvelle protection contre les gaz est en service, le masque T. Il utilise les 3 même compresses et la même pochette que le tampon P2. Il est d'une forme triangulaire ce qui permet l'usage de la parole, importante évolution par rapport aux protections précédentes.
Le masque T subit rapidement des améliorations sur la forme du masque TN distribué à partir du 1er janvier 1916. Ce dernier ne possède plus que 2 compresses imbibées de solutions plus performantes et polyvalentes. Son système d'attache est constitué de bandes élastiques qui permettent un positionnement beaucoup plus rapide. Il est livré dans un nouvel étui en tissu triangulaire pouvant être porté à la ceinture. A partir du 14 janvier, des boites métalliques de section ovale sont distribuées pour y loger le masque et les lunettes, elles offrent une meilleure protection contre les chocs et les intempéries.

Depuis plusieurs mois, les demandes des Armées pour un masque antigaz complet se font croissantes. La réponse arrive en avril sous la forme du masque M2. Il est donc afin d'une seule pièce, ce qui améliore grandement le temps de pose. Il est constitué de plusieurs épaisseurs de gaze qui épousent bien la forme du visage. La vision se fait au travers de 2 œilletons constitués de cellophane, absorbant l'humidité et évitant ainsi la formation de buée. Il se fixe par 2 sangles élastiques et peut être porté autour de cou, en position d'attente. Il est rangé dans une pochette demi-sphérique de tissu et une boite en métal pratiquement identique à celle du masque TN mais de section rectangulaire. Ce masque très polyvalent va s'avérer le plus efficace parmi tous ceux en service chez les belligérants, offrant une protection de 4h30 dans une concentration de chlore élevée, restant en 1916 la forme la plus redoutable d'utilisation des substances toxiques.

- A la fin de l'année 1915, une nouvelle cisaille de fabrication Peugeot vient remplacer le modèle 1905 devenu trop frêle par rapport aux nouvelles sections de fils de fer. Elle est rangée dans un étui qui se porte au ceinturon.

- L'infanterie adopte le fusil Berthier

haut

1 - Couvre casque
2 - Tous les cuirs en cuire fauve, brelage et cartouchières

3 - Capote Poiret 4e type (de caporal-chef)
4 - Chevron de présence aux armées

.. - Insigne de spécialité
5a - Rouleau d'epaule bleu horison
5b - Epaulière Adrian
6 - Masque à gaz modèle M2 dans sa housse en tissu
7 - Boite métallique du masque M2
8 - Petite cisaille à main modèle 1905
9 - Pantallon-cullote bleu horizon modèle 1915
10 - Baïonnette modèle 1915 (sans le quillon)
11 - Fusil Berthier 1907 modifié 1915

12 - Brodequin modèle 1916

Le Poilu des années 1917 et 1918 - Les dernières évolutions de la guerre

A partir de l'automne 1916 et durant l'année 1917, interviennent les dernières modifications de la guerre. C'est cette dernière figuration qui va fixer à jamais la silhouette de nos poilus de 1418 et des statuts de nos monuments aux morts. Et qui restera dans l'imaginaire des futures générations.

Les dernières modifications sont :

- Le 3 juin 1916, le général Joffre décide l'abandon du couvre casque en toile qui recouvre les casques Adrian depuis octobre 1915. En effet, très souvent maculés de boue, ils augmentent les risques d'infections des blessures à la tête. Joffre préconise plutôt l'emploie d'une peinture plus mate pour résoudre le problème de brillance et de reflet, et se sera finalement par une cuisson plus longue sur la chaine de montage que sera obtenu une teinte plus foncée et plus mate. Cette mesure s'applique aussitôt aux casques en fabrication, donnant lieu au casque Adrian 2ème type.
En ce qui concerne les casques déjà en service, une grande campagne de repeinte en bleu-terne est lancée à partir de septembre 1916, pratique qui avait tendance à être déjà réalisée au front, notamment avec la peinture destinée aux pièces d'artillerie.
Nous pouvons donc considérer que le casque Adrian 2ème type existe sous 2 formes : "l'officielle" réalisée en usine ; "l'artisanal" par repeinte manuellement du casque 1er type.

- A partir de 1917, un bonnet de police non réglementaire issu du commerce commence à apparaitre significativement sur la tête des Poilus. Il est de forme Empire est confère une silhouette plus à la mode que le modèle réglementaire. Le 9 août 1918, l'intendance décide d'adopter cette nouvelle forme, qui par ailleurs, est plus simple à fabriquer.

- A partir de septembre 1916, les nouvelles recrues venant réapprovisionner les régiments sont vêtues d'une capote qui redevient à double boutonnage (la "capote croisée"). Il a en effet été constaté que le modèle Poiret ne protégeait par assez la poitrine, entrainant de nombreux cas de tuberculose. Les points positifs de l'ancien modèle restent inchangés : col rabattu ; poche de hanche ; martingale dorsale. Il faut noter que ce défaut a été constaté dès l'hiver 1914 et que la décision date du 16 août 1915 (soit à peine 11 mois après la création de la capote Poiret). Mais les stocks de Poiret étant tellement important, il aura fallu attendre une année pour que la capote croisée soit enfin "remise" en service.
En janvier 1917, le forme des collets change pour devenir en losange irrégulier ;

- Tant que le masque M2 continue à être efficace, la commission de protection des services chimiques prend son temps pour mettre au point un nouvel appareil. Et ce n'est qu'en novembre 1917 qu'un nouveau masque voit le jour, "l'Appareil Respiratoire Spécial (ARS)".
Il n'est en fait qu'une amélioration du nouveau modèle allemand. Il est constitué de 2 tissus imperméables superposés et muni de 2 oculaires similaires au masque M2.
La respiration se fait au travers d'une cartouche vissée sur l'embase métallique du masque hermétiquement ligaturées. L'air inspirée traverse la cartouche filtrante composé de charbon actif, l'air expirée ressort au moyen d'une soupape empêchant l'air extérieur de pénétrer dans le masque. Cet ingénieux système permet une respiration plus facile, évite la formation de buée sur les oculaires et de vapeur d'eau dans la cartouche.
Ce masque permet de tripler les durées de protection. Il est livré dans une boite cylindrique en tôle cannelée de couleur kaki, offrant une meilleure protection contre les chocs. Il commence à être distribué à partir de février 1918, et en avril, tous les combattants de première ligne sont équipés.

Le masque M2 devient masque de secours, porté dans sa boite métallique rectangulaire repeinte en kaki.

Nous comprenons donc que l'histoire de l'uniforme français durant la première guerre mondiale n'a pas été de tout repos. Cette réforme vestimentaire, qui aurait dû être entreprise bien avant la guerre, l'a été en plein conflit, augmentant par la même les problèmes de financement, d'urgence, de tests de validation, d'approvisionnement, d'acheminement, de distribution…
La France s'en est sortie, elle a relevée de défit, et s'est remarquable lorsque l'on perçoit les difficultés qui ont été rencontrées et surmontées. Mais que de peine en comparaison avec l'Allemagne qui au niveau vestimentaire, n'a pratiquement fait aucune évolution d'ampleur entre 1914 et 1918, mise à part notamment le casque lourd et le masque à gaz...

haut

1 - Casque Adrian 2eme type
.. - Bonnet de police 1917

2 - Capote modèle croisé
(de sergent)
3 - Numéro de collet en forme de losange irrégulier
4 - Masque à gaz modèle M2 relayé en masque de secours

5 - Poignard de tranchée
6 - Masque à gaz modèle ARS dans sa boite métallique

7 - Bande molletière 2eme type
8 - Brodequin modèle 1917

 

 

Les sous-officiers et officiers

Au cours de la guerre, l'uniforme des officiers suit tout naturellement les mêmes réformes que celui de la troupe, car il est soumis aux mêmes contraintes de camouflages et d'adaptation à la guerre moderne.

C'est dès 1912 que la France se pose des questions sur l'uniforme de ses officiers. Outre le problème de camouflage déjà abordé plus haut pour la troupe, la question de différence entre officier et simple soldat est soulevée. En effet, un officier reconnaissable de loin sera aussitôt pris pour cible par l'ennemi car sa perte va désorganiser la troupe qui se retrouvera sans ordre.
Ainsi, le 13 novembre 1912, puis le 22 septembre 1913, le ministère de la guerre essai d'imposer aux officiers qu'ils portent des effets de mêmes nuances et de mêmes formes que la troupe. Il est donc préconisé le port d'un couvre-képi bleu, et un nouveau modèle de vareuse et de manteaux sont instaurés (vareuse modèle 22 septembre 1913, manteau pélerine modèle 20 août 1913 et manteau léger modèle 1er décembre 1913). La vareuse 1913 devient même obligatoire le 1er avril 1914.

Cependant, en août 1914, très peu d'officiers ont apporté des modifications à leur tenue. Les raisons sont multiples :
- Ils s'habillent à leurs frais, c'est donc eux-mêmes qui doivent entreprendre les démarches pour se procurer une nouvelle tenue, et cela dépend bien évidemment de leurs finances ;
- Il existe chez eux un très fort sentiment de fierté et d'orgueil mêlé à un grand attachement aux traditions, tout changement vestimentaire est donc difficile. Surtout lorsqu'on leur demande d'abandonner leurs ornements et revêtir des uniformes de troupe. Beaucoup craignent que leur autorité soit remise en question ;
- A la mobilisation, la grande majorité des officiers sont issus de la réserve, beaucoup n'ont pas suivis précisément les directives des dernières années et ne sont pas informés de la réforme de 1913. Ils arrivent en casernement avec leur vareuse modèle 1893 (modifiée 1911 ou non) et n'ont pas la possibilité ou le temps de se procurer le modèle 1913.

C'est donc avec une très grande diversité vestimentaire que le corps des officiers part en campagne.

L'uniforme réglementaire de l'officier d'infanterie de 1914 est constitué des éléments suivants :

- Un képi Saumur modèle 1886 ou polo modèle 1910 avec turban et calot en drap rouge, bandeau noir, nœud dit "à la hongroise" sur le calot, soutache de grade en tresse plate dorée, numéro du régiment en cannetille d'or, fausse jugulaire doré maintenue par 2 petit boutons.
Depuis 1913, il doit être recouvert d'un couvre-képi en drap gris de fer bleuté muni d'une petite lucarne laissant apparaitre le numéro du régiment.

- Une vareuse du modèle 22 septembre 1913 obligatoire depuis le 1er avril 1914. Elle est taillée dans du drap gris de fer bleuté de meilleure qualité que celui de la troupe, ferme par 7 gros boutons en drap de fond (de même couleur que la vareuse), dissimulés sous une patte, possède 2 poches de poitrine et 2 poches de hanche avec plis Watteau, le dos est également garni d'un grand pli Watteau de l'encolure à la taille, la taille est munie d'une ceinture en drap dont les 2 pattes se ferment au niveau du ventre par 2 petit boutons, le collet est droit et le numéro du régiment est brodé en cannetille d'or sur des pattes de collet en drap de fond, les galons de grade en bas des manches sont en or et de taille réduite (6 mm de large).
Les différences avec la vareuse 1893 (modifiée en 1911 par notamment l'ajout de 2 boutons de fermeture les faisant passer à 9) se situent au niveau du collet et des parements de manche qui sont rouge, des boutons de fermeture qui sont apparents et dont 3 petits ornes les parements de manche, des grades qui font tout le tour de la manche...

- Durant les saisons froides, d'un manteau à pélerine mobile modèle 20 août 1913 ou d'un manteau léger modèle 1er décembre 1913. Ils sont tout 2 gris de fer bleuté et possède les mêmes ornements dorés que la vareuse de la même année (boutons, brides d'épaulettes, numéro du régiment, galon de grade). Le col du manteau à pélerine est à revers et celui du manteau léger est demi-rabattu de forme Saxe.

- D'une culote modèle 15 mars 1883 d'un rouge carmin plus soutenu que le garance de troupe et possédant 2 larges bandes noires de chaque côté. Ces détails ne contribuent en rien à gommer la singularité de la tenue officier.

- Au-dessus des brodequins du même modèle que la troupe, les officiers peuvent porter soit des bandes molletières (d'une nuance non précisée mais très souvent gris de fer bleuté ou noir), soit des jambières en cuir noir mat ou verni.

- Les cuirs de l'équipement sont noir verni. Il se compose :
-- D'un ceinturon de sabre modèle 6 juin 1882 bien que de nombreux modèles soient constatés. Sur le côté gauche, une bélière terminée par un porte-mousqueton permet de porter le sabre d'infanterie modèle 1882, poigné en arrière ;
-- D'un étui-revolver modèle 25 juin 1876/93 autrement appelé "jambon" et d'une courroie de ceinture (adopté le 6 juillet 1882). Le 14 juin 1909, les 12 gaines à cartouche situées à l'intérieur de l'étui sont remplacées par 3 plus grandes permettant d'accueillir chacune un sachet de 6 cartouches, passant ainsi la provision de 12 à 18 cartouches. Cependant, en 1914, de nombreux étuis n'ont pas encore subis cette modification, ce qui pousse beaucoup d'officiers à se munir en complément d'une petite cartouchière portée au ceinturon ;
-- D'un porte-cartes à soufflet modèle 1887 pouvant être porté au ceinturon grâce à 2 petites courroies. Là encore, de nombreux modèles sont en circulation.
-- D'une paire de jumelle et de son étui (équipement devenu réglementaire en tenue de campagne le 6 juin 1890). Les modèles les plus utilisés sont les jumelles Galilée à plaquettes d'appréciation des distances et silhouettes de soldats à pieds et à cheval, les jumelles à prismes avec oculaires décalés par rapport aux lunettes, les jumelles longue-vue.

- Enfin, les officiers disposent également d'une boussole et d'un sifflet depuis le 2 juillet 1896.

 

 

A partir de septembre 1914, suite aux pertes colossales que le corps des officiers subit durant les premières semaines de guerre, le haut-commandement se fait plus insistant…Tous les officiers jusqu'au grade de colonel doivent impérativement porter la capote de troupe sans galons, les grades étant portés au képi !
Et afin d'aider à la rapidité de cette transition, les dépôts fourniront la capote gratuitement.

Le port de la capote de troupe se généralise donc au sein des officiers, bien que certains ne puissent s'empêcher de faire réaliser des modifications esthétiques : col droit remplacé par un col à revers plus moderne ; boutons d'officier ; numéros, brides d'épaulettes, insignes et d'attributs dorés. La vareuse 1913 reste autorisée à l'arrière ou au repos.

En octobre c'est au tour du képis (le 14 octobre) et de la culotte (le 22 octobre) de subir une mesure plus stricte.
Tous les officiers doivent :
- Porter un képi sans lucarne identique à celui de la troupe ;
- Recouvrir leur culotte d'un pantalon de toile type ouvrier militaire.
Dans les 2 cas, pour ceux qui peuvent se le permettre, beaucoup préfèrent se procurer dans le commerce ces effets directement de nuance gris de fer bleuté ou approchant. Nous voyons par exemple des couvres-képi ou des képis du même modèle que celui de la troupe mais confectionnés en tissu imperméable de couleur sombre.

Suite à ces dispositions, les officiers ne portent plus aucun grade apparent, ce qui ne tarde pas à poser quelques problèmes, surtout avec les nouveaux arrivants qui ne connaissent pas encore leurs officiers. Il est donc décidé de réapposer en bas des manches, juste au-dessus des parements, des grades très réduits de 8 mm de large sur 3 cm de long. Cette pratique ne sera pas toujours appliquée.

 

En décembre, alors que toute la troupe commence à percevoir le nouveau képi mod 14 et la nouvelle capote Poiret bleu clair, une notice du 9 décembre est mise à la disposition des officiers. Elle décrit la coupe des nouveaux uniformes bleu clair pour officiers et doit leur servir de référence lors de la commande de leurs nouvelles tenues. Comme on peut l'imaginer, cette transition promet être longue, elle va s'étaler sur le 1er semestre 1915.

La notice du 9 décembre détail les nouveaux effets comme suit :
- Képi bleu clair du modèle de troupe. Ce point ne sera que très peu observé, les officiers préférant faire l'acquisition de képis de forme polo de couleur bleu clair, avec jugulaire en drap de fond ou en cuir, avec ou sans numéro de régiment ;
- Capote en drap bleu clair d'une seule rangée de 6 boutons, afin de ressembler à la capote de troupe, poches de poitrine à rabat avec un bouton et poches de côté obliques sans rabat, fente dans le bas du dos fermée par 2 boutons, fente de sabre du côté gauche, boutons standards en métal ou corozo de nuance bleu clair ou gris terne, galon de taille réduite, nouvelles pattes de collet rectangulaires de couleur jonquille (adoptée le 9 décembre 1914 pour toute l'infanterie) et numéros dorés ;
- Vareuse en drap bleu clair du modèle 1913 sans ornement, pattes de collet rectangulaires jonquilles et numéros dorés, boutons standards en métal ou corozo de nuance bleu clair ou gris terne, galon de taille réduite ;
- Culotte en drap bleu clair du modèle 1883 avec le passepoil de la couleur de l'arme (jonquille) ;

 

A partir du printemps 1915, la silhouette des officiers va subir une profonde mutation sans qu'aucun texte officiel ne vienne modifier la notice du 9 décembre 1914. En effet, la proximité d'officiers britanniques très élégants commence peu à peu à blesser l'orgueil des officiers français de tous grades. Progressivement, encouragés par l'absence de réaction de leur hiérarchie, un nombre croissant d'officiers se procurent dans le commerce une nouvelle vareuse bleu horizon copiée du modèle anglais. Elle n'est pas du tout réglementaire, mais élégante, plus saillante, et très à la mode (ce qui est en soit un motif suffisant pour braver l'autorité) !
De mois en mois, cette vareuse devient majoritaire, même si un nombre non négligeable d'irréductibles porteront le modèle 1913 jusqu'à l'armistice (en y apportant également quelques modifications d'ordre esthétique).

Au même titre que la vareuse, le manteau, la culotte et tout l'équipement subissent également un relooking à la mode anglaise. Mais tous ces effets, commandés aux grés des officiers, à leur frais auprès de tailleurs, vont connaitre de très nombreuses variantes et nuances, même si la forme générale reste la même.

- Le modèle le plus rencontré de cette nouvelle vareuse est détaillé comme suit : col droit ou saxe, 2 poches de poitrine dite à "l'anglaise" avec rabat à un bouton, 2 grandes poches de hanche de type plat à soufflet avec rabat à un bouton, pattes d'épaule, boutons bronzés d'officier, pli piqué dans le dos ou simple couture avec martingale piquée, parements de manche piqués, patte de ceinturon côté gauche. A noté que le tissu utilisé est souvent de très bonne qualité et beaucoup plus souple que le gros drap de troupe (drap sergé).

- La culotte est de coupe anglaise, large en haut et resserrée sous le genou par une manchette fermant soit par des petits boutons ou un laçage, passepoil de la couleur de l'arme.

- Botte aviateur, jambières en cuir ou bande molletière cintrée.

- En ce qui concerne le manteau, beaucoup d'officier délaisse la capote de troupe pour adopter un manteau de forme identique au modèle de cavalerie trois-quarts, en supprimant toutefois la fente en bas du dos. Le col est à revers, avec martingale ou non, manches à revers ou piquées, boutons identiques à ceux de la vareuse.

- L'équipement est constitué :
-- D'un ceinturon-baudrier en cuir fauve de type anglais, beaucoup plus élégant et pratique que l'ancien modèle noir. Il est de même largeur que celui de la troupe, possède 2 ou 4 dès en cuivre orientés pour vers le haut pour les baudriers (bretelles de suspension) et autant vers le bas pour les diverses pièces d'équipement à suspendre. Couramment, les 2 baudriers croisant dans le dos sont portés en tenue de combat car ils accroissent la similitude avec la tenue de troupe, au repos en revanche juste le baudrier soutenu sur l'épaule droite est porté.
-- D'un étui-révolver simplifié 1er ou 2ème type en cuir fauve. Le 1er type conserve la petite rondelle de cuir au bout du canon du modèle 1876/93 ainsi que la plaque de boutonnage sur la patte de fermeture, le 2ème ne les a plus.
-- D'une petite cartouchière du commerce (ou du modèle de troupe) pouvant contenir 5 paquets de 6 cartouches. Elle est souvent utilisée pour le carnet de note, le tabac, le briquet…
-- D'un porte-cartes du modèle 1887 réglementaire en cuir fauve ou plus fréquemment, de petits liseurs du commerce plus petit et plus mince. Les modèles les plus courants possèdent une partie centrale en mica transparente et centimètrée permettant une consultation plus rapide des cartes de secteurs.
-- D'une paire de jumelles standards dans un étui en cuir fauve.

 

Jusqu'à la fin de la guerre, les ministres successifs vont tenter de mettre un peu d'ordre dans l'uniforme des officiers en rappelant à plusieurs reprises par des circulaires (14 septembre 1915, 9 septembre 1916, octobre 1917, 5 janvier 1918) la nécessité d'exemplarité et d'harmonie dont ces derniers doivent faire preuves ne serait-ce que par leur fonction.
Mais ce sera peine perdue, les espérances du haut commandement de 1914 souhaitant gommer les différences entre officiers et hommes de troupe n'aura montré que peu d'effet. La mode aura finalement pris le dessus, et sans doute aussi, devant les pertes et la fatalité d'une fin proche, le désir de mourir avec élégance…

haut

Commandantd'infanterie avant septembre 1913

1 - Képi "polo"
2 - Vareuse modèle 1893 modifiée 1911

3 - Culotte modèle 15 mars 1883
4 - Jambières d'achat civil

5 - Ceinturon d'achat civil et sabre d'infanterie 1882

 

Capitaine d'infanterie après septembre 1913

1 - Képi "polo" recouvert du couvre-képi
2 - Vareuse modèle 1913

3 - Jumelles à prismes
4 - Etui de revolver
et révolver 1892
5 - Bande molletièr

Lieutenant d'infanterie hivers 1914/15

1 - Képi en toile imperméable et sans grade
2 - Capote de troupe modifiée officier

3 - Grade de taille réduite
4 - Pantalon gris de fer bleuté d'achat civil
5- Jambières réglementaire

Sous-lieutenant d'infanterie 1er semestre 1915

1 - Képi polo bleu clair
2 - Vareuse 1913 bleu clair

3 - Pochette de compresse
4 - Pantalon 1883 bleu clair
5 - Collets jonquille
6 - Capote officier copier sur le modèle de troupe

Sous-lieutenant d'infanterie
1916-17-18

1 - Vareuse bleu horizon du modèle anglais
2 - Ceituron-baudrier
du modèle anglais
3 - Culotte de modèle anglais
4 - Bande-molletière cintrées
5- Manteau de cavalerie

6- Etui-révolver 2ème type

 

Lieutenant d'artillerie
1916-17-18

1 - Calot de forme Empire 1917
2 - Collets d'artillerie
rouge écarlates
3 - Botte officier type aviateur

Les tankistes 1916, 1917 et 1918

C'est le 30 septembre 1916 que le général d'artillerie Jean-Baptiste Eugène Estienne est nommé directeur de l'artillerie spéciale. Cette nouvelle arme, subdivision de l'artillerie, installe son camp de base dans la clairière de Champlieu, dans la forêt de Compiègne. Le premier engagement au combat de chars français aura lieu que le 16 avril 1917 au Chemin des Dames, dans le secteur de Berry au Bac (Les chars de combat).

La tenue des hommes de l'artillerie spéciale est identique à celle des artilleurs mais des besoins spécifiques ne tardent pas émerger.

 

Le premier effet à subir une transformation est le bonnet de police. Il ne tient pas bien sur la tête et tombe souvent quand les canonniers évoluent dans l'espace exigu des chars, lorsque les mécaniciens se penchent ou travaillent allongés sous les véhicules. Par conséquent, au début de janvier 1917, le général Etienne alerte le GQG sur la nécessité de remplacer le bonnet de police par un béret bleu foncé de petite dimension, tenant beaucoup mieux sur la tête.
Des échanges s'engagent alors entre lui et le haut commandement et ils vont durer jusqu'à la fin de la guerre : L'intendance estimant que cette coiffe n'est pas du tout justifiée et soulignant la complexité à produire ce béret en quantité suffisante ; De son côté, Etienne réinsistant sur le côté "pratique" du béret et ajoutant même une notion d'esprits de corps qu'il produirait s'il était porté au sein de l'artillerie spéciale (le béret de petite dimension n'est porté par aucune arme, les chasseurs Alpin étant coiffés de la "tarte" beaucoup plus grande). Toujours est-il qu'aucune décision n'est prise et ce n'est que le 30 mai 1919 que le béret sera reconnu dans les textes comme la coiffe officielle des tankistes.
Il ne faut cependant pas attendre cette date car dès 1917 des bérets bleu foncé ou noirs, d'achat civil, commencent à garnir la tête des simples soldats mais aussi des officiers. En 1918, plus aucun personnel de l'artillerie spéciale ne porte le bonnet de police. Dans de très nombreux cas, des insignes non réglementaires viennent orner les bérets comme par exemple les lettres A.S., ou l'insigne de la batterie, instauré le 1er janvier 1917 (1ère bat. : as de pique, 2ème bat. : as de cœur, 3ème bat. : as de carreau, 4ème bat. : as de trèfle) ou encore l'insigne de l'Artillerie Spécialité adoptée le 29 juin 1917 (voir plus bas). Beaucoup d'officiers y reportent aussi leur grade.

En avril 1918, le général Etienne remonte un nouveau fait qu'il constate de plus en plus fréquemment sur le terrain concernant le casque Adrian (avec attribut d'artillerie). Il porté au combat aussi bien en dehors que dans les chars, mais à l'intérieur des véhicules, la visière avant ne permet pas de s'approcher suffisamment des fentes d'observation pratiquées dans le blindage. De plus en plus d'hommes, en contradiction complète avec le règlement, prennent la décision de tout simplement couper la visière avant de leur casque. De semaine en semaine, cette pratique se généralise pour devenir très fréquente en 1918. Le 15 avril, le général Etienne écrit donc dans une note à ses supérieurs que la visière avant du casque Adrian doit être retirée et remplacée par un bourrelet de tissu ou de cuir d'environ 1 cm d'épaisseur et allant en se rétrécissant sur les côtés. Cette pièce molletonnée apporte plus de confort lorsque l'on est au poste d'observation et que le casque repose sur la paroi du char.
Ce montage, qui demande assez d'adresse, ne sera pas toujours suivi à la lettre, et beaucoup de tankistes se contenteront de replier sur quelques millimètres le restant de la visière afin qu'elle ne soit pas coupante.

Fin avril 1918, lors d'un stage d'officiers américains dans un groupe de tankistes français, ces derniers sont équipés de masques de protection qu'ils ont reçu lors d'un précédent stage similaire au sein du Tank Corps britannique. Ces masques manquent pas d'attirer l'attention des officiers français.
Ils sont composés d'un loup en acier avec des fentes horizontales au niveau des yeux et une petite maille qui recouvre le nez et la bouche, ils s'attachent par 2 sangles qui se nouent dernière la tête, la face contre le visage est molletonnée de cuir ou de drap.
Le 3 mai, le général Etienne demande au ministre de l'armement une livraison de 2000 exemplaires pour un effectif de 4 par chars. La commande est passée le 17 mai aux Anglais qui commencent les expéditions vers la France à partir du 28 juin, à raison de 600 masques par semaines.
Les tests en conditions réelles sont confiés aux 3 premiers bataillons de chars légers, et bien que le masque soit assez lourd et que la vision à travers les fentes soit assez réduite et fatigante (surtout à faible distance), il offre une bonne protection contre les chocs et les brulures au visage et aux yeux. Ainsi, une nouvelle commande de 2000 unités est passée le 16 juillet 1918.
Jusqu'à la fin de la guerre, les recherches s'orientent sur une amélioration du masque, notamment au niveau de la vision qui est le point faible. Le loup et les fentes sont remplacés par des œilletons en verre étanches, ce qui améliore grandement la visibilité. Mais aucune modification ne sera actée officiellement avant l'armistice.

Dès la création de l'artillerie spéciale, le veston de cuir s'impose comme le seul vêtement approprié dans un char de combat (les différents types de vestons en cuir avant et pendant la guerre).

L'insigne de l'Artillerie Spéciale est adopté le 29 juin 1917 mais le dessin officiel ne paraitra que le 20 septembre. Il consiste en 2 canons croisés surmontés d'un casque médiéval tourné vers la gauche. Il est brodé en cannetille or pour les officiers et sous-officier et en laine bleu pour les brigadiers et homme de troupe. Il est porté sur le bras gauche au-dessous des chevrons de présence aux armées, comme pour toute l'armée.
Ce nouvel insigne doit mettre fin au port que tous ceux qui ne sont pas réglementaires, notamment la salamandre qui apparait à partir de janvier 1917. L'animal, déjà utilisé comme emblème au moyen-âge, était réputée par les anciens pour "vivre dans le feu". Elle est représentée dans une couronne de lauriers en train de cracher du feu avec la mention A.S. ou " Artillerie Spécial ".

L'armement des équipages de chars est très succinct, il doit être assez petit en raison de l'espace exigu des chars et ne doit servir que si les hommes sont contraints à quitter leur véhicule.
Le 15 avril, le général Etienne préconise l'utilisation du pistolet automatique et du poignard. Le pistolet le plus représentatif est le Ruby porté dans l'étui modèle 1916. Le poignard est du type "Astier-Proton n°2" et en plus faibles quantités les types "Coutrot n°7 et 8".

haut

1 - Casque Adrian de tankiste
2 - Veston en cuir
3 - Collet d'artilleur

4 - Masque de protection

5 - Pistolet semi-automatique Ruby

6
- Poignard "Vengeur"
7 - Culotte d'artilleur (passepoil écarlate)

 

1 - Béret de petite dimention
2 - Insigne de l'Artillerie Spéciale


Insigne de l'Artillerie Spéciale